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que nous louons dans le président de la république, c’est la réserve et la mesure dans les sentimens. Il y a des choses qu’il ne veut pas faire. Cette loyauté d’honnête homme, dont il s’est si justement renommé à Strasbourg, l’empêche de prendre aucune initiative violente contre la constitution : il le dit et il a raison ; mais cette honnêteté ne va pas et ne doit pas aller jusqu’à croire qu’une constitution qui érige en principe la souveraineté du peuple ne puisse pas être changée par la volonté du peuple. Aussi dit-il aux populations, et il a raison encore, que, si elles veulent changer la constitution, c’est leur affaire, et non pas la sienne, et qu’en vérité c’est pousser trop loin l’habitude que nous avons en France d’attendre tout du pouvoir, que de demander aussi au président de la république de changer à lui seul la constitution, quitte à crier ensuite ou à laisser crier à la violation de la constitution.

Le président a mis le pays en demeure de changer la constitution, si le pays la trouve mauvaise. Tel est le sens des discours du prince Louis-Napoléon dans ses voyages. Il va jusque-là, mais il ne va pas au-delà, et c’est en cela que nous approuvons ses paroles, parce qu’il dit ce qu’il pense, mais qu’il ne dit pas plus ou moins qu’il ne pense, et qu’il est à la fois franc et réservé.

Les conseils-généraux ont relevé la question que le prince Louis-Napoléon a mise à l’ordre du jour, et ils ont presque partout délibéré sur la révision de la constitution. Sur soixante et quelques conseils-généraux dont nous connaissons en ce moment les délibérations, plus de cinquante se sont prononcés énergiquement pour la révision de la constitution. Nous ne cherchons pas encore à savoir comment les conseils-généraux entendent qu’aura lieu la révision de la constitution. Sur ce point, les avis sont divers ou obscurs. Nous constatons seulement qu’ils veulent la révision de la constitution : voilà un premier fait acquis aux débats, fait important ; le pays ne veut pas garder la constitution dont l’a doté la révolution de 1848. Il veut la changer. On a beaucoup dit que jamais dans l’assemblée législative il n’y aurait, pour décréter la révision de la constitution, la majorité des trois quarts exigée par l’article 111 de la constitution, et de là on concluait fièrement que la constitution serait éternelle, ou qu’elle serait violée. Ni l’un ni l’autre. La décision des conseils-généraux fait. faire sur ce point un grand pas à la question. Les conseils-généraux influent beaucoup on le sait, sur l’élection des membres de l’assemblée, et les membres de l’assemblée pourront bien, par égard pour les conseils-généraux, décréter la révision de la constitution. La majorité des trois quarts devient possible, sinon probable, depuis la décision des conseils-généraux.

Y aura-t-il de même une majorité des trois quarts pour décider les points précis sur lesquels la constitution sera révisée ? Ici la question est tout autre. Il est difficile, nous l’avouons, de trouver les trois quarts de l’assemblée unis sur un des points qui touchent à la forme et à la durée du pouvoir exécutif. Cependant qu’on nous permette de faire une observation. Quand nous traitons avec la constitution de 1848, qui a été faite contre le président de la république, — le président l’a dit à Strabourg, — et contre le pays, — les conseils-généraux viennent de le dire dans leurs délibérations, — nous devons traiter rigoureusement, c’est-à-dire que nous devons faire ce que la constitution ordonne ; mais nous ne devons faire ; que cela et c’est bien assez. Partout où la constitution ne nous lie pas les mains ; nous devons user de notre liberté. Or, que dit