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du congrès des amis de la paix, en dépit de ces petites censures contre le rote des conseils-généraux, nous soutenons qu’en demandant la révision, les conseils-généraux ont beaucoup fait, et qu’entre le vœu que les citoyens expriment dans leurs conversations et le vœu d’un corps constitué, il y a une énorme différence. Grace à la déclaration des conseils-généraux, la révision de la constitution de 1848 est aujourd’hui un fait inévitable, et ce qui nous fait penser qu’en agissant ainsi, les conseils-généraux ont fait quelque chose de grave, c’est que désormais, entre les conseils-généraux tels qu’ils sont constitués et la constitution de 1848, la lutte est ouverte. Ou la constitution de 1848 sera changée, ou les conseils-généraux seront abolis. Ces deux autorités ne peuvent plus vivre ensemble, et c’est aux conseils-généraux de poursuivre hardiment la guerre qu’ils ont déclarée à la démocratie excessive ; car, s’ils lui pardonnent, elle ne leur pardonnera pas.

Non sans doute, il ne faut point pardonner à la démagogie ; mais il ne faudrait pas davantage la servir en lui fournissant des prétextes par un zèle outré pour des restaurations trop complètes. Cette fois, ce n’est plus de la France que nous parlons. On l’a bien vu, nous ne nous croyons pas si avancés de ce côté-là qu’on suppose généralement l’être. Nous ne parlons point de la France, nous parlons de l’Allemagne. Ce qui se passe à l’heure qu’il est dans l’électorat de Hesse ne saurait avoir notre approbation, et cette triste affaire a pour nous une gravité trop réelle. Elle est grave à deux points de vue. D’abord elle constitue la violation la plus inutile et la plus brutale de tous les principes de droit public, dont nous ne pouvons parvenir à nous détacher. Ensuite elle est une occasion nouvelle de rapports difficiles, de complications critiques entre les deux grandes puissances allemandes, qui ont déjà trop de peine à sortir d’une situation trop tendue. Commençant à Cassel, c’est assurément le cas de dire que la tempête commence dans un verre d’eau. Nous ne sommes pas du tout enclins à penser qu’elle débordera beaucoup, mais nous regrettons tout ce qui pourrait la provoquer à s’étendre. Or, il suffit de jeter les yeux sur le spectacle que nous offrent aujourd’hui les pays d’outre-Rhin pour comprendre que les deux suzerains qui se les disputent en sont venus à se touche de si près, à se poser tellement en quelque sorte pied contre pied, poitrine contre poitrine, qu’avec la meilleure intention de ne point se battre, tout, dans un moment donné, tout peut les y contraindre. L’Europe n’aurait qu’à perdre en une pareille lutte.

L’Allemagne est en effet aujourd’hui partagée tout entière, mais inégalement, en deux confédérations rivales qui seraient bientôt ennemies déclarées, s’il n’était trop évident que l’une se meurt, et que l’autre n’est pas elle-même absolument sûre de vivre.

Quatorze petits états gravitent autour de la Prusse dans l’union d’Erfurt ; c’est tout ce qui lui reste des adhérens qu’elle avait cru s’attacher par le pacte du 26 mai 1849. Il n’est pas inutile d’ajouter, que le plus considérable entre ces derniers des fidèles est le grand-duc de Bade, dont les troupes sont internées dans les forteresses prussiennes, dont le territoire est occupé par les soldats prussiens, le tout, bien entendu, par intérêt pour son repos et pour celui de « l’ingrate Allemagne, » comme disent les hommes d’état berlinois aux rares adeptes de l’union qui siègent encore dans le collége des princes. Le congrès