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et qu’ils rendent encore, sur les causes qui menacent d’affaiblir cette admirable création. Parmi ces causes d’affaiblissement, il a une faute : le maréchal Bugeaud avait créé une direction centrale des bureaux arabes et confié cette direction à M. le colonel Daumas, l’auteur de la Grande Kabylie, un des plus curieux ouvrages publiés sur l’Algérie. Le 9 décembre 1848, cette direction centrale des bureaux arabes fut supprimée, et les bureaux devinrent indépendans et isolés. C’est, selon le général Yusuf, une grande cause d’affaiblissement. Il en est une autre et qui se rattache à celle-ci : « Les officiers des bureaux arabes comptent à leurs divers régimens : Mais qu’arrive-t-il ? c’est que le colonel qui ne les voit pas se préoccupe fort peu de savoir si un officier rend des services. Il n’en est pas le témoin, ne peut pas, par conséquent, en être le juge, et, lors des inspections générales, il ne porte pas sur le tableau d’avancement un officier détaché et qui jamais n’a paru à la tête de sa compagnie ou de sa section. D’un autre côté, l’officier qui se trouve dans un poste isolé, sauf de rares exceptions, se trouve dans l’impossibilité de faire valoir ses services, et il arrive qu’un homme qui a consacré son temps à l’étude de la langue arabe, qui sans cesse est obligé de se livrer à un travail bien autrement fatigant que celui que comporte la vie de caserne, se trouve presque toujours à la gauche de ses camarades restés au corps. Les officiers attachés aux affaires arabes devraient avoir leur avancement assuré, en dehors de la présentation faite par leurs chefs de corps. » Il est clair que pour cela il faudrait une direction centrale des bureaux arabes, comme celle qu’avait créée le maréchal Bugeaud.

Plus loin M. Yusuf revient encore sur ce sujet, tant il lui paraît important, et c’est parce que nous attachons nous-mêmes la plus grande importance à l’institution des bureaux arabes que nous citons avec soin les remarques que l’expérience a suggérées sur ce point au général Yusuf « Si l’on fait des bureaux arabes une impasse, si des officiers ayant des services de guerre, ayant fait des études, des travaux sérieux et de tous les jours et essuyé des fatigues incessantes, même au milieu de la paix, voient qu’ils n’ont aucune récompense à espérer, que leur avancement se trouve même retardé, il est à craindre que l’on ne tarde pas à les voir abandonner la carrière des bureaux arabes, retourner à leurs régimens pour chercher auprès de leurs chefs directs l’avancement qu’ils ont vainement attendu en Afrique. Dès-lors vous ne trouverez pour les remplacer que des officiers désireux de quitter leur corps, non pour se livrer à des études sérieuses, rendre des services, mais avides seulement de secouer le joug de la discipline : ce sera la ruine de la politique du pays. »

Dans son rapport au président de la république, le ministre de la guerre semble parler de la Kabylie, comme si elle était soumise. Le général Yusuf demande cependant que la France soumette la Kabylie. Qui croirons-nous du général ou du ministre ? Tous les deux, en interprétant convenablement leurs assertions contraires. Le ministre parle des expéditions faites autour de la Kabylie, ou même dans sa profondeur, et, comme ces expéditions ont réussi, il parle de la soumission de la Kabylie ; peut-être ferait-il mieux de parler seulement de la soumission momentanée de quelques kabyles. Le général Yusuf, qui voit les choses de près, soutient que la Kabylie est encore indépendante ; il donne à ce surjet des détails précis sur les limites de notre conquête de ce côté.