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Si je n’étais retenu par la crainte de tomber dans l’erreur, je pourrais, pour mieux expliquer ces monumens, leur appliquer le système de jugement par analogie, d’après ce que j’ai vu des palais modernes. Je dois le dire, ce scrupule s’affaiblit beaucoup devant les affinités que l’étude des antiquités persanes révèle si souvent entre les temps les plus reculés et l’âge présent. J’ai dit que l’intervalle qui sépare le portique du plateau surmonté de treize colonnes ne contenait aucun vestige de constructions. Je crois qu’il y avait là, précédant le palais, une grande cour ou même un jardin servant d’avenue au perron par lequel on arrivait à la colonnade. Ce bassin retrouvé sur la gauche n’est-il pas lui-même un indice qui justifie cette dernière conjecture ? Aujourd’hui encore, en Perse, toutes les demeures royales modernes, celles même des simples particuliers, sont toujours ou presque toujours précédées d’une cour plantée, avec de l’eau contenue dans un bassin destiné aux ablutions très fréquentes chez les Persans. Le jardin dont je crois retrouver l’emplacement devant les ruines de Tâkht-i-Djemchid ne serait donc qu’une similitude de plus entre cet ancien palais et la plupart des palais modernes. Bien qu’on ne retrouve plus aujourd’hui, sur ce sol aride, les élémens nécessaires à l’existence d’un jardin, on doit croire qu’une végétation puissante y avait été autrefois favorisée par le climat, et que les anciens souverains de la Perse s’étaient plu à en marier les richesses aux magnificences architectoniques de leurs royales demeures.

L’édifice auquel appartenaient les treize colonnes restées debout sur cette partie du plateau était assis sur une terrasse à laquelle on arrive par quatre escaliers. La hauteur primitive du mur qui soutenait la terrasse devait être de trois mètres environ. Les escaliers par lesquels on y montait étaient à rampes inverses. Deux étaient placés au centre, où ils formaient un premier perron appuyé au mur, qui se terminait à chaque extrémité par un autre escalier semblable aux premiers, formant ainsi comme un second perron plus étendu. Toute la surface de ce mur, dont le développement n’est pas moindre de quatre-vingt-trois mètres, est littéralement couverte de sculptures. Les quatre rampes sont formées chacune de trente et une marches, et leurs murs sculptés représentent autant de figures de gardes armés de lances, d’arcs et de carquois, posés sur chaque degré, et qui semblent ainsi protéger les abords du palais. Dans un cadre de forme triangulaire, compris entre le sol et la ligne d’inclinaison des escaliers, est un bas-relief d’un grand effet ; il représente un taureau qui se cabre et se défend vainement contre la rage d’un lion qui l’a saisi avec ses puissantes griffes et dévore sa croupe. Ce tableau ne peut avoir qu’une signification symbolique ; les nombreuses reproductions du même motif en semblent être la preuve. Quelle que soit l’idée cachée sous cet emblème énigma-