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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE EN PERSE.


nages, ainsi que tous ceux qui veulent attirer sur eux la bienveillance du roi, lui témoigner leur reconnaissance ou simplement faire acte de soumission et de respect, lui offrent des chevaux, des cachemires, des habits et même de l’argent. Assis sur son trône et à distance de la foule, le roi se montre alors dans toute sa majesté. Les sujets dévoués qui viennent lui rendre hommage se rassemblent autour de la salle où se tient le souverain, et dont toutes les issues sont ouvertes pour que le roi puisse être aperçu de chacun. Les princes du sang royal sont les plus rapprochés, puis viennent les grands dignitaires, les principaux officiers de l’armée, et, derrière eux, les courtisans, les fonctionnaires de toutes sortes, les poètes, et enfin le menu peuple. Quand le roi apparaît resplendissant de pierreries et de perles, toute cette foule se courbe, fait des génuflexions, et répète les salamaleks avec l’apparence de la plus profonde vénération. Le châh reste immobile, silencieux ; il reçoit ces hommages avec une majestueuse impassibilité. Dès que les salutations exigées par le cérémonial sont terminées, les poètes s’approchent (la Perse en compte beaucoup) ; ils débitent les louanges du monarque sur un ton emphatique. Ces lettrés hardis ne reculent devant aucune métaphore, si hasardée qu’elle soit : leurs images sont empruntées au soleil, à la lune, à toute la nature, et, sous ce voile épaissi par des couches superposées d’allégories sans fin, il est presque impossible de découvrir une pensée. Le peuple pousse à plusieurs reprises des cris en l’honneur du châh, invoque Ali et tous les imans de l’islamisme, après quoi le roi, qui n’a pas même daigné sourire, fait distribuer aux grands divers cadeaux (pichkèchs) et des poignées d’argent, autrefois d’or. Quant à la menue plèbe qui est venue joindre ses hommages à ceux des seigneurs, on lui jette quelques milliers de petites pièces de monnaie blanche frappées pour la circonstance, et qui n’ont pas une valeur supérieure à 15 ou 20 centimes. Il va sans dire que le peuple se précipite et se bat pour ramasser ces miettes d’argent, mesquines marques de la munificence royale.

Les mœurs ont peu changé en Asie. Le Norouz est certainement un souvenir des temps antiques. Les historiens nationaux disent que ce fut Djemchid qui institua cette fête en l’honneur du soleil, qui, à l’époque de l’équinoxe du printemps, reprend toute sa force et ravive la nature. Ce Djemchid, dont le règne est entouré de fables telles qu’il est impossible de lui assigner une date historique, paraît être cependant le même que l’Achemen des Grecs, fondateur de la dynastie des Achéménides. Cette tradition s’est perpétuée aux lieux où furent les palais de Persépolis par le nom de Tâkht-i-Djemchid, que leur donnent les Persans modernes. Il est assez probable que la cérémonie représentée sur le grand bas-relief dont on a tant discuté l’esprit n’est autre que celle du Norouz. Les hommages et présens qui y sont figurés