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sont les mêmes que la fête du Norouz rend encore aujourd’hui obligatoires. Le symbole du lion terrassant le taureau, dont M. Lajard a donné une si ingénieuse explication, peut être cité comme un argument de plus à l’appui de mon opinion. Les recherches de M. Lajard sur la religion des anciens Perses ont été, on le sait, couronnées d’un succès dont les récentes découvertes faites sur le territoire de Ninive, ont été la confirmation éclatante. Il résulte de la doctrine émise par M. Lajard sur les mystères des ignicoles de l’antiquité que le lion représente le principe de la chaleur, celui de l’eau étant figuré par le taureau. De là cette conséquence que la victoire du premier de ces animaux sur l’autre est le symbole de la victoire remportée par le soleil sur l’humidité. L’équinoxe de printemps est l’époque où la chaleur renaît, où elle acquiert une nouvelle intensité et succède définitivement à la saison froide. Les Perses, qui ont fait de ce jour de l’année une solennité encore usitée sous le nom de Norouz, l’ont figurée symboliquement par ce combat dans lequel le taureau est vaincu par le lion. L’initiation aux mystères religieux de la Perse, initiation que nous devons à M. Lajard, nous vient donc en aide ici pour expliquer le véritable sens des sculptures de Persépolis. Nous pouvons combattre avec avantage l’idée exclusive qu’y attachèrent certains antiquaires, en ne voulant y voir autre chose que des victimes amenées au temple pour servir aux sacrifices. On voit d’ailleurs que cette cérémonie avait un double caractère, et que l’hommage au souverain s’y confondait nécessairement avec l’hommage rendu au soleil.

Au point de vue de l’art, ces sculptures ne sont pas moins remarquables qu’au point de vue archéologique. Ce qui les distingue particulièrement, c’est une grande rectitude de dessin et une pureté de contours qui va jusqu’à la sécheresse. On ne peut se dissimuler que l’ordonnance symétrique des bas-reliefs ne répande un peu de froideur sur ces différentes scènes représentées d’ailleurs sans aucune animation ; mais cette froideur n’exclut ni la majesté ni la pompe. Ces longs bas-reliefs produisent peu d’effet à distance ; en cela, ils diffèrent beaucoup des colosses du portique, qui, par leurs formes accentuées et puissantes, par leur haut relief, se détachent fortement sur les murs qui les portent et produisent de loin un très grand effet. Les sculptures dont je parle, au contraire, ne peuvent être appréciées que de très près. De plus, étant exposées au nord, elles ne permettent au soleil aucun de ces jeux de lumière qui, par les ombres et les grands clairs qu’ils produiraient, suppléeraient à ce que la faible saillie des figures est impuissante à rendre. Ce que ces bas-reliefs offrent de plus remarquable, ce sont les profils des têtes, qui ont toutes un beau caractère. On y retrouve les lignes du visage des Persans du sud. L’exécution des vêtemens ou des parties du corps les plus larges qui se prêtent peu au modelé est