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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE EN PERSE.


d’une grande simplicité. En revanche, toutes les parties qui offraient un peu de prise à la sculpture de détail sont exécutées avec un fini et une délicatesse minutieuse qui donneraient une fausse idée de l’art persépolitain, si on ne pouvait l’admirer sous un plus noble aspect dans l’ensemble des sculptures variées qu’étalent ces grands monumens.

Le reproche le plus grave que l’on soit en droit de faire à l’habile sculpteur qui a prodigué tant de véritable talent sur ces immenses cadres de pierre, c’est de n’être pas resté assez esclave des proportions naturelles. Ainsi généralement les figures sont trop courtes, et il n’y a aucune proportion entre les hommes et les animaux. Ceux-ci sont comparativement trop petits ; mais ce sont là des irrégularités de convention ou des caprices auxquels il faut s’habituer dans l’étude des bas-reliefs antiques, car on les y rencontre fréquemment. Le plus souvent, et notamment à Persépolis, de telles bizarreries sont moins le fait d’une grossière ignorance que d’un parti pris, elles résultent d’une disposition toute conventionnelle. On ne saurait admettre, en effet, que les artistes qui ont sculpté ces bas-reliefs aient négligé l’étude de la nature au point de commettre des fautes aussi graves que celles que je signale. L’exécution savante de certaines parties très difficiles à rendre, comme le visage, les mains, etc., ne permet pas de révoquer en doute l’adresse merveilleuse de leur ciseau. Au premier aspect, toutefois, ces irrégularités sont choquantes, mais elles disparaissent bien vite sous la grâce et la richesse de cette admirable ornementation.

Après avoir franchi le vaste perron dont j’ai décrit toutes les parties, on arrive à la plate-forme sur laquelle s’élevait la magnifique colonnade dont les débris gisent au pied des treize colonnes restées seules debout au milieu de ces ruines. Il est difficile de reconnaître aujourd’hui la destination de ce monument, et quelle liaison a pu exister entre ses diverses parties. D’après les bases retrouvées sur place, cet ensemble incomplet se composait de quatre séries de colonnes. Le principal de ces groupes en comptait trente-six ; les trois autres, placés à distance, en avant et sur les ailes, n’en avaient chacun que douze, et devaient être comme des portiques précédant la partie centrale. Ils devaient être comme des salles de pas-perdus où se tenaient les gardes et où circulaient les gens ayant accès dans le palais, en attendant leur tour d’admission dans le sanctuaire. Il n’est pas probable que là ait été un palais d’habitation ; il est présumable que c’était un lieu de représentation destiné aux grandes cérémonies royales ou religieuses. On comprend, comme je l’ai dit, que, d’après la disposition et l’étendue de ce monument, on ait pu y voir un temple aussi, bien qu’un de ces lieux profanes où apparaissait le roi des rois dans toute la pompe et la majesté de sa puissance.

Le premier portique précédant la grande salle du centre avait, ainsi