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que celle-ci, des colonnes semblables à celles que j’ai décrites en parlant du monument rencontré le premier sur ce plateau. Quant à celles des groupes ou des portiques latéraux, elles sont beaucoup plus simples, et leur chapiteau moins riche ne se compose que d’un corps d’animal à deux têtes posé sur le fût même. Elles se distinguaient d’ailleurs les unes des autres en ce que les colonnes de droite portent des corps de taureaux, tandis que celles de gauche portent des espèces de bêtes chimériques ou licornes dont le type, fréquemment représenté à Persépolis, ne se retrouve dans aucun autre monument des âges antiques de la Grèce ou de l’Orient. Cet animal paraît être une création exclusivement persane : il a une face monstrueusement accentuée et grimaçante ; sa gueule ouverte montre des mâchoires garnies de fortes dents ; sur son large front, qu’accompagnent de longues oreilles, est plantée une corne unique. Les pattes sont, comme celles du lion, armées de puissantes griffes ; une espèce de collier de poils descend de ses oreilles à son col, et une crinière droite suit la courbe de son encolure. Deux avant-corps de ce monstre, placés dos à dos, forment le chapiteau de ces colonnes.

Il se présente ici naturellement une grande difficulté à résoudre, celle de savoir comment était terminé cet édifice et quelle espèce de toiture il portait. Il existe, au milieu des chapiteaux, entre les deux corps d’animaux, un refouillement qui semble indiquer la place d’une plate-bande en pierre, ou d’une épaisse solive formant la base d’une architrave et portant le haut du monument ; mais c’est la seule remarque qu’on puisse hasarder sur la disposition des parties supérieures de la construction. On n’a pu retrouver, ni au fond ni à la surface du sol, aucun débris de pierre ou de bois qui pût fournir des indications précises à ce sujet.

Un peu plus loin, à droite, on reconnaît les traces d’un autre petit monument qui parait avoir été isolé. Ces traces consistent en huit fondemens d’assises qui ont dû supporter des colonnes. Six de ces pierres se groupent régulièrement ; entre les deux autres et les six premières reste libre un espace au centre duquel on voit encore une assise qui, selon toutes probabilités, servait de base à un socle de monument, statue ou plutôt autel du feu. — Ces débris complètent le principal groupe des antiquités de Tâkht-i-Djemchid.

III.

Nos divers travaux d’exploration et d’analyse se continuaient d’ordinaire dans une solitude complète et dans un calme profond. De temps à autre, un voyageur, traversant au loin la plaine, se détournait de son