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pour faire place à un pouvoir intelligent qui guérit les plaies du passé, rassemble les forces vitales de la société et puise sa légitimité dans la direction féconde qu’il lui imprime. Il y a une autre cause d’infirmité sociale, c’est quand les mœurs d’un pays se pervertissent et s’énervent. S’il en est ainsi, craignez de toucher au pouvoir ; n’espérez pas guérir ce mal social par des révolutions politiques : il n’y a qu’un remède, c’est l’action énergique de ce pouvoir sauveur, c’est la dictature, et ici se trouve le germe de cette théorie de la dictature que M. Donoso Cortès développait récemment avec éclat. Ou bien enfin une société est malade parce que ses lois et ses mœurs sont également, corrompues, parce que la dépravation est dans le pouvoir comme dans l’individu, dans l’état comme dans le foyer. La société est mortellement atteinte alors ; son salut est impossible. « La Providence efface ce peuple du livre de la vie ; elle efface cette société du livre des sociétés. Un peuple conquérant lui sert d’instrument ; la destruction le précède, la victoire étend sur lui ses ailes, et la société victorieuse fait expier dans le sang à la société qui succombe ses folies et ses crimes… » Suivez l’auteur dans cette vigoureuse anatomie politique ; prenez une de ces sociétés malades qu’il soumet à son analyse : à son chevet, vous verrez les docteurs et les prophètes, ceux qui disent : Il n’y a point de danger ! et ceux qui disent : Il n’y a point de remède Il y a surtout ces hommes que M. Donoso Cortès peint avec une énergie mêlée parfois d’esprit : — fanatiques vulgaires, intelligences saturées d’une idée fixe, pour qui les heures mauvaises sont des heures triomphe, des heures favorables à leurs expérimentations empiriques. Demandez-leur ce qui fait que la société souffre, ou plutôt ne leur demandez rien, dit spirituellement l’auteur, car, avec une générosité sans exemple entre les possesseurs de remèdes merveilleux et les docteurs en sciences occultes, ils publieront assez haut leur secret par les cent organes destinés à la transmission des idées : ce secret, c’est une révolution politique, c’est la vertu d’une formule abstraite traduite en pacte constitutif. Donnez une constitution spartiate ou athénienne à cette société moribonde, vous la verrez refleurir subitement ! Et ce qu’il y a de mieux, c’est que la société les croit souvent, comme les malades croient volontiers ceux qui viennent s’offrir à les sauver ; elle se met à la merci des empiriques qui escaladent le pouvoir et assistent, de cette hauteur, aux merveilles de leur formule, — réalisées dans un naufrage. Ne parlez point à ces hommes de la tradition : la vie d’un pays se résume, à leurs yeux, dans les abstractions que nourrit leur esprit. L’histoire, dans son éloquence, dans la variété de ses enseignemens, est muette pour eux, et les événemens contemporains eux-mêmes, les catastrophes récentes, loin de les éclairer et de dissiper leurs illusions, ne font qu’irriter leurs passions, exaspérer leur intelligence, les rendre