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enchaîné à sa beauté. Pour caractériser d’un mot l’amant de Lydie, Horace le nomme Sybaris, et reproche à Lydie la mollesse et l’enivrement de l’homme qu’elle préfère. Pourquoi Sybaris ne lance-t-il pas le javelot dans le champ de Mars ? Pourquoi n’étreint-il pas d’un genou puissant les chevaux gaulois ? Pourquoi ne traverse-t-il pas le Tibre à la nage ? Horace espère que Lydie rougira de la mollesse de son amant, et ne se souvient pas de sa conduite à la bataille de Philippes, où il jeta son bouclier et prit la fuite. Cette honteuse aventure était tellement connue à Rome par l’aveu même d’Horace, que Lydie ne pouvait l’ignorer. Et s’il est vrai, comme les historiens nous l’attestent, qu’Horace ne parût jamais en public sans les insignes du grade que Brutus lui avait conféré, il faut avouer que c’était de sa part une étrange fantaisie, car c’était rappeler sa honte à tous les yeux. Un tribun militaire, qui a jeté sur le champ de bataille ses armes et son bouclier, se montrer en public avec les insignes de son grade, et reprocher à la femme qu’il convoite la mollesse de son amant, c’est assurément un trait qui mérite d’être noté. La treizième ode du premier livre est consacrée tout entière à l’expression de la jalousie. Quoique Horace n’ait jamais connu l’amour, dans le sens poétique du mot, et que cette conclusion se déduise à la fois de la nature des femmes qu’il aimait et du nombre des femmes qu’il a aimées, on ne peut nier que cette ode ne soit un chef-d’œuvre empreint d’une éclatante vérité. Tous les esprits familiarisés avec la littérature antique y reconnaissent l’imitation d’une ode de Sapho citée par Longin dans son Traité du sublime, traduite par Boileau d’une façon assez infidèle, et à Rome même par Catulle dans une ode à Lesbie ; mais il faut tenir compte à Horace des traits dont il a su embellir son modèle. L’empreinte des dents amoureuses de Telephus sur les lèvres de Lydie parfumées du nectar de Vénus, les taches laissées sur ses épaules par la coupe renversée dans la lutte, complètent heureusement le tableau de l’amour sensuel. Le reste de l’ode est une traduction à peu près littérale de Sapho. Cependant la dernière strophe appartient tout entière à Horace, et le bonheur des affections que la mort seule dénoue ne se trouve pas dans la pièce grecque. La vingt-cinquième ode du premier livre est une imprécation contre Lydie, belle encore, mais déjà sur le retour. Horace la raille impitoyablement sur son sommeil, que les amans ne viennent plus troubler de leurs prières, de leurs chants supplians. Cette pièce est évidemment postérieure à la neuvième ode du troisième livre, où M. Ponsard a cru trouver le germe d’une comédie. Cette dernière ode est dialoguée et se compose de six strophes. C’est un chant de réconciliation très habilement conduit, et qui, malgré sa brièveté, exprime une série de sentimens qu’on trouve rarement aussi bien traduits dans une œuvre de plus longue haleine.

Horace dit à sa maîtresse : Quand je te plaisais, quand nul jeune homme plus aimé que moi n’entourait de ses bras ton cou blanc, je vivais plus heureux que le roi des Perses. Lydie répond : Tant que tu n’as brûlé pour aucune autre femme d’un feu plus ardent que pour moi, tant que Lydie n’a pas été au-dessous de Chloë, renommée entre toutes les femmes, j’ai vécu plus fière qu’Ilia, la mère de Romulus. Horace reprend : Chloë la Thessalienne me gouverne maintenant ; Chloë, savante dans le doux art du chant et de la lyre ; Chloë, pour qui je ne craindrai pas de mourir, si les destins veulent épargner sa vie. — Calaïs, reprend Lydie, fils d’Ornithus de Thurium, me brûle d’un feu qu’il partage ; Calaïs,