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ce cadre quel tableau mettrons-nous ? Voilà la question. S’imaginer que nous devons faire le tableau pour le cadre, c’est entendre la politique comme certaines gens de nos jours entendent les arts. La république, et c’est là son avantage, n’est pas un cadre rigoureux et dur ; c’est, au contraire, une forme élastique et souple qui se prête à l’état du pays. Or de quel côté penche le pays, nous le demandons ? Est-ce du côté de la république socialiste ? Est-ce du côté de la stabilité à laquelle quelques personnes aiment à donner le nom de monarchie, voire de légitimité, et à laquelle nous laissons son nom impartial et général de stabilité ? La réponse ne peut pas être douteuse. C’est donc dans le sens de la stabilité qu’il faut marcher. — C’est faire de la quasi-monarchie. — Aimez-vous mieux qu’on fasse du quasi-socialisme ? — Ni l’un ni l’autre, s’écrie-t-on d’un air sentencieux ; faisons de la république ! — Faire de la république, c’est faire le vide, car la république n’est que ce que la font les institutions du pays, et les institutions d’un pays doivent s’accommoder à ses mœurs. — Eh bien ! dit-on d’un autre côté, faisons vraiment de la monarchie ! — Essayez-le donc !

Nous qui n’aimons pas à courir les aventures sur la foi de la logique, nous pensons, avec les faibles d’esprit, que la république, retenant ou reprenant peu à peu ce qu’il y a encore de monarchique dans les habitudes du pays, afin de ne pas prendre ce qu’il y a de socialiste dans ses utopies et dans ses chimères, la république s’entourant d’institutions monarchiques (pourquoi ne pas répéter notre paradoxe ?) ; la république enfin, visant à la satisfaction des intérêts et des sentimens du pays, au lieu de viser à la satisfaction de la logique, est le seul état social qui convienne aux dispositions contradictoires de notre société. Et nous ne voyons pas en quoi la liste civile du président votée annuellement répugne à ce genre de république. Nous ne voyons pas non plus en quoi cet arrangement quasi-monarchique peut contrarier ceux de nos amis et de nos alliés qui, au lieu de s’obstiner à vouloir tout ou rien, cet introuvable et désastreux idéal de la logique, auraient foi en cette maxime de bon sens que la meilleure manière d’arriver au haut de l’échelle, c’est d’en monter peu à peu tous les degrés, ou en cette autre maxime encore, qu’on ne peut pas arriver, si on ne se met pas en route. — Oui, mais si vous restez en route ! nous crie-t-on. — Eh bien ! si la route est bonne et si les stations sont commodes, où sera le mal ?

Nous avons discuté par goût de conversation les conséquences qu’on attache au vote des frais de représentation ; mais nous ne prenons au sérieux pour le moment aucune de ces conséquences, quoique aucune ne nous effraie. Pour nous, encore un coup, le vote des frais de représentation n’était qu’une affaire de convenance. Il reste pour nous ce qu’il était, et les résistances même qu’il a rencontrées n’en ont pas changé le caractère. Avouons-le en effet : rien ne serait plus propre que ces résistances à faire de ce vote un vote politique. Parce qu’il a plu à quelques personnes de croire que voter des frais de représentation, c’était sacrer un roi et sacrer le roi qu’elles ne voulaient pas, parce que dans cette idée elles ont dit non ! cela ne signifie pas que celles qui ont voté ces frais de représentation se soient dit : Oui, ce vote est un sacre, et c’est pour cela que nous votons. Prenons les paroles du général Changarnier, prenons-les pour l’explication du vote de la majorité : le général Changarnier n’a