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fait réussir à Londres, et qu’elle n’avait pas pu faire réussir à Athènes, grace à l’opiniâtreté que M. Wyse avait mise à s’en tenir à ses premières instructions, et grace à la lenteur que lord Palmerston avait mise à transmettre à ses agens en Grèce de nouvelles et plus équitables instructions.

Ne nous occupons donc plus de la question grecque que comme d’une question de politique étrangère. Pour nous, l’affaire est finie : nous ne sommes plus acteurs, mais nous sommes encore spectateurs, et, comme spectateurs, l’affaire a de quoi piquer notre curiosité.

La délibération de la chambre des lords sur la politique de lord Palmerston a été grave et curieuse. Nous remercions lord Stanley d’y avoir dit le mot dont toute l’Europe a besoin pour rester fidèle à l’alliance de l’Angleterre. Le Foreign-Office, a dit l’honorable orateur, n’est point l’Angleterre. Il a raison, et ce n’est pas une des moindres preuves de l’esprit de paix et de modération de nos jours, que le soin qu’en France nous avons tous mis, orateurs ou écrivains, à distinguer scrupuleusement, dans cette question, la conduite de l’Angleterre de la conduite de lord Palmerston. Tout le monde a dit que lord Palmerston n’était pas l’Angleterre, et que nous n’avions querelle qu’avec lord Palmerston, et point avec l’Angleterre. Lord Stanley et la chambre des pairs ont proclamé cette distinction, et non-seulement ils l’ont proclamée, mais ils l’ont appliquée ; car ils ont sans hésiter condamné la politique de lord Palmerston, parce que ce n’était pas et ce ne devait pas être là la politique de l’Angleterre.

On a cherché, dans la discussion, à changer la question en la généralisant ; on a demandé si dorénavant les sujets anglais devraient, en pays étranger, se soumettre à toutes les injustices et à toutes les vexations de la tyrannie, sans pouvoir réclamer l’appui de leur pays. Non, assurément ; mais, si on se tient dans cette question absolue, nous faisons alors une autre question absolue : Est-ce que par hasard la loi anglaise suivra partout le sujet anglais, entrera avec lui dans le pays où réside l’Anglais, si bien que, pour juger et condamner l’Anglais coupable de quelque délit, il faudra consulter la loi anglaise, suivre la procédure anglaise, ou renvoyer l’Anglais aux tribunaux de son pays ? Est-ce là le privilège que l’on réclame pour le sujet anglais ? Privilège énorme, pareil à celui qui suivait le citoyen romain, parce que, le monde obéissant aux Romains, il était tout simple que le citoyen romain revendiquât partout la loi romaine, qui n’était étrangère nulle part. En sommes-nous là ? Le monde obéit-il à l’Angleterre ? Le civis romanus sum, ce grand mot dont lord Palmerston a fait la péroraison de son discours à la chambre des communes, n’a de sens que lorsque le monde entier est soumis. Jusque-là, le civis romanus, s’il veut résider à l’étranger, se soumet à la loi étrangère, et, s’il ne s’y soumet pas, il n’est pas admis à résider dans le pays. Et voyez jusqu’où lord Palmerston étend les privilèges du citoyen anglais ! Il y a eu une insurrection à Livourne. L’Autriche, alliée de la Toscane, a envoyé des troupes autrichiennes pour reprendre Livourne. Lord Palmerston prétend que, dans la prise de la ville, les balles autrichiennes ont dû distinguer et respecter les Anglais résidant à Livourne ; ou bien, si un Anglais a été blessé, ou si les marchandises qui existaient dans les magasins des résidens anglais ont été endommagées, il faut une indemnité. On sait les abus qu’avait entraînés à Rome le