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Où sont sa démarche hautaine, sa parole brève et dure ? Et ces Prières boiteuses et impuissantes naguère, comme elles se sont redressées en s’appuyant contre le sanctuaire de la vieille justice britannique ! Ces faibles filles sont près de devenir de terribles Némésis. — Ainsi vous pensiez, nous dira-t-on, revenant d’Homère à M. Roebuck, vous pensiez que la motion de M. Roebuck en faveur de lord Palmerston serait rejetée ? — Nous n’en savions rien, et nous dirons même que nous nous en soucions peu. Nous n’avons aucune haine contre le ministère whig ni contre lord Palmerston, nous aimons même l’intention générale de la politique whig : nous croyons qu’elle aime les progrès de la bonne civilisation ; mais il y a quelque chose que nous aimons encore plus que le ministère whig : c’est l’Angleterre et le beau et consolant spectacle qu’elle donne au monde depuis deux ans, le maintien de l’ordre au sein de la liberté, l’amélioration sans révolution, l’intelligence des grands, la paix de cœur des petits, la richesse sans dureté, la pauvreté sans envie, ou du moins ces passions contenues par le bon sens général de la société. Aussi tremblons-nous dès que nous voyons le moindre dérangement dans le jeu des institutions britanniques ; nous tremblons même d’autant plus que n’étant point Anglais et ne sachant pas jusqu’où le mât peut craquer sans se rompre, nous croyons plus promptement aux dangers. Or voici qu’à propos d’un vote de la chambre des lords nous entendons le premier ministre, lord John Russell, tenir un langage qui nous semble étrange dans l’aristocratique Angleterre. Lord Russell conteste à la chambre des lords le droit de changer par ses votes la direction des affaires publiques ; il semble vouloir dire que la chambre des lords n’a plus qu’un pouvoir consultatif. L’Angleterre en est-elle donc de fait déjà au régime de la chambre unique ? Eh ! mon Dieu ! si toutes ces choses-là s’étaient dites il y a trois ans, elles nous auraient semblé beaucoup moins singulières. C’était la doctrine anglaise, que depuis la réforme électorale de lord Grey la prépondérance était passée définitivement de la chambre des lords dans la chambre des communes. Avant 1848, la déclaration de lord Russell ne nous eût donc guère étonnés ; nous avions en France aussi cette doctrine, et le dernier mot nous semblait devoir appartenir aux électeurs, et par conséquent à la chambre des députés ; mais depuis 1848 il est impossible que, même en Angleterre, même dans ce pays si heureusement resté sourd à tous les bruits révolutionnaires, il est impossible que la négation du pouvoir de la chambre des lords n’ait pas un sens particulier. Cette déclaration est donc un mot de dépit étourdi, ou c’est le commencement de quelque chose.

On nous dit, il est vrai, qu’en Angleterre il n’y a pas de passions révolutionnaires qui fermentent sous les passions politiques et qu’on joue sur le velours. Nous le croyons ; mais cela ne nous trouble pas moins quelque peu de voir l’action du pouvoir délibératif de la chambre des lords mise si hardiment en question, et cela dès les premiers momens de la querelle que s’est faite lord Palmerston. Ce n’est pas tout ; les journaux radicaux de l’Angleterre disent à lord Russell : Vous menacez la chambre des lords ! soit ; mais qu’avez-vous fait pour ébranler son pouvoir ? quelle loi de réforme électorale avez-vous apportée à la chambre des communes ? Nous irions, quant à nous, plus loin en raisonnant avec nos idées françaises, nous dirions quel bill tenez-vous prêt contre le droit d’aînesse et contre les substitutions ? Si vous attaquez le pouvoir politique de l’aristocratie en attaquant la chambre des lords, sans doute vous