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sienne ne se demandât pas quelles étaient les voies qui avaient amené un si brusque revirement, et pourquoi la tentative qui avait si bien réussi en Angleterre il y a un siècle et demi n’avait pas pu réussir en France. Constamment et uniquement occupé des destinées du peuple qu’il a servi, il a voulu, pour percer les mystères de l’avenir, pour expliquer les tristes singularités du présent, demander encore une fois les leçons du passé. L’histoire de la révolution d’Angleterre avait été une des principales études de sa vie ; c’est dans le spectacle de ce temps tumultueux et désordonné comme le nôtre qu’il avait puisé le goût des études politiques, le sentiment des difficultés que rencontre tout établissement humain, et l’espérance d’une conclusion glorieuse après tant de traverses et de peines. C’est encore à cette source qu’il a voulu puiser l’intelligence des causes secrètes qui avaient neutralisé ses efforts. Dans les jours confians de sa jeunesse, il avait été surtout frappé des ressemblances entre les deux révolutions ; dans les heures attristées que lui font les malheurs de son pays, il a recherché les différences, et c’est ce qui donne à son Discours sur la Révolution d’Angleterre un caractère particulier, ce qui le distingue de tous les autres travaux qu’il a publiés sur le même sujet.

Pourquoi la révolution d’Angleterre a-t-elle réussi ? Telle est, on le sait, la question que se pose M. Guizot, et qui contient implicitement cette autre : Pourquoi la révolution française n’a-t-elle pas réussi jusqu’ici ? Cette seconde question, M. Guizot ne la pose explicitement nulle part ; mais on la sent sous chacune de ses paroles, et il était impossible qu’il en fût autrement. Le problème vient à l’esprit tout naturellement et en quelque sorte quoi qu’on fasse.

Quand on compare ce qu’était, en Angleterre, l’établissement de 1688 et ce qu’a été, en France, celui de 1830, on est frappé au premier abord des avantages que le second paraît présenter sur le premier. Dans l’un et l’autre cas, la loi de succession héréditaire à la couronne est violée, l’héritier direct est écarté, et celui qui lui succède immédiatement est appelé au trône. Le fait fondamental est donc le même, et, si l’atteinte au principe d’hérédité a été la cause principale de la faiblesse de notre monarchie, il semble que cette cause aurait dû agir avec plus de force contre la monarchie de Guillaume III. Un pareil fait était alors sans précédent, tandis qu’en 1830 on avait l’exemple de 1688, qui avait si pleinement réussi. En général, c’est un grand bénéfice historique que de venir le second, de n’avoir point contre soi la nouveauté de la tentative et de pouvoir invoquer l’autorité d’un succès précédemment obtenu dans des circonstances analogues. Jusqu’au dernier jour, cet exemple de 1688 a été la grande présomption, le puissant argument en faveur de la durée de la dynastie d’Orléans, tandis que rien de pareil ne pouvait être invoqué en faveur de Guillaume III.