Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reproches qui ont été faits sous ce rapport au gouvernement du roi déchu ne sont rien en comparaison de ceux qui ont été justement adressés au gouvernement de Guillaume. En traçant le portrait de ce prince, Hume conclut par ces mots : « Pour mieux parvenir à ses fins, pour engager ses états dans des querelles étrangères où ils semblaient devoir trouver leur ruine, il ne se fit aucun scrupule d’employer tous les moyens de corruption, ce qui pervertit entièrement les mœurs de ses sujets. » On comprend, en effet, qu’il dût nécessairement en être ainsi ; plus l’Angleterre résistait à épuiser son sang et ses trésors pour une cause étrangère, plus l’obstiné monarque qui la maintenait malgré elle dans cette voie avait besoin de gagner les votes dans le parlement pour obtenir les énormes subsides qui lui étaient nécessaires. Aussi la corruption était-elle publique, éhontée ; non-seulement elle s’exerçait par des places, des pensions, des concessions de terres, des largesses de tout genre, mais à tout instant les communes découvraient dans les comptes des sommes affectées à des dépenses secrètes et distribuées a des membres du parlement : ces actes scandaleux restaient impunis.

À ceux qui seraient encore tentés de rappeler un procès célèbre qui a si tristement marqué l’année 1847, il serait trop facile d’opposer des procès bien plus nombreux et plus graves qui n’aboutirent à aucune répression. Une seule fois, les communes purent se faire justice elles-mêmes ; leur propre président, sir John Trevor, convaincu de malversation, fut obligé d’abdiquer le fauteuil et expulsé de la chambre en 1695 ; mais il n’en était pas ainsi quand le coupable appartenait à la chambre haute. La session de cette même année 1695 fut remplie d’enquêtes contre des fonctionnaires prévaricateurs ; il fut reconnu, entre autres choses, que la compagnie des Indes avait payé près de 90,000 livres sterling (2,250,000 francs) pour services secrets. Le duc de Leeds fut accusé d’avoir reçu sa part de cette distribution, et traduit comme tel par les communes devant la chambre des lords. Le roi Guillaume, et c’est ici que se manifeste. Dieu merci, une différence essentielle entre les deux époques, se rendit lui-même au parlement pour étouffer l’affaire ; il n’eut pas honte de déclarer publiquement aux membres des deux chambres que, la saison étant fort avancée et son intention étant de fermer la session sous peu de jours, il les invitait à s’occuper exclusivement de l’expédition des affaires les plus importantes. Les communes persistèrent, mais sans obtenir satisfaction ; la session fut close, en effet, peu de jours après, et l’accusation contre le duc de Leeds n’eut aucune suite. La même accusation avait été portée deux ans auparavant contre lord Falkland, président du conseil d’amirauté, qui avait été enfermé à la Tour, mais relâché deux jours après. Halifax, Somers, Portland, tous les ministres de Guillaume, ne furent pas à l’abri de pareils soupçons.

Il y a loin, comme on voit, de cette vénalité audacieuse, affichée,