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moins monarchique ; on acceptait la monarchie comme un expédient utile, mais personne ne la reconnaissait comme un principe. Quant à l’aristocratie, c’est surtout contre elle qu’éclatait la révolution, son nom seul excitait des transports de colère qui ont eu d’horribles effets.

Il faut remonter bien haut dans l’histoire des deux pays pour trouver l’origine de ces dissemblances. M. Guizot l’avait déjà indiquée dans d’autres temps, soit dans son Histoire de la civilisation moderne, soit surtout dans cet admirable essai sur l’origine du gouvernement représentatif en Angleterre, qui fait partie de ses Essais sur l’histoire de la France. Le grand fait qui a décidé de la destinée du parlement britannique, a dit depuis long-temps M. Guizot, c’est la séparation ancienne de la noblesse nationale en deux grandes branches, dont l’une a formé la chambre haute, et l’autre s’est alliée avec les communes. Ce corps intermédiaire des gentilshommes bourgeois est le véritable sol politique de l’Angleterre, c’est lui qui a de tout temps empêché les guerres de classes, et formé le lien commun entre les diverses parties du grand tout national. Ce corps a manqué en France complètement ; rien ne s’est trouvé aux jours de secousse pour amortir le choc entre la noblesse et le tiers-état, au contraire. Les derniers rangs de l’aristocratie française ont été de tout temps les plus animés contre le tiers-état, ceux qui s’en séparaient le plus par leur orgueil et soulevaient la répulsion la plus vive ; de là le combat à mort et sans merci qui s’est substitué parmi nous à l’association toujours laborieuse, mais au fond toujours vivante, qui a fait la fortune de l’Angleterre.

De l’ensemble de ces faits, il résulte évidemment que les deux révolutions devaient prendre et garder un caractère tout différent. La révolution anglaise avait des bornes connues d’avance, la révolution française n’en avait pas ; l’une était essentiellement conservatrice et superficielle, l’autre était, dès le premier pas, subversive et radicale ; la première est restée anglaise et politique, la seconde a tendu, par sa force propre et par suite de circonstances de temps et de lieu, à devenir humanitaire et sociale. Dès que la révolution d’Angleterre a trouvé la monarchie constitutionnelle, dès qu’elle a obtenu son but primitif, la prépondérance du parlement dans l’état et celle de la chambre des communes dans le parlement, dès que surtout elle a eu satisfaction dans ses besoins religieux, dès qu’elle a eu des garanties certaines pour la conservation d’une église spéciale et indépendante, elle s’est arrêtée naturellement. La révolution française a produit aussi, ou plutôt on lui a fait produire une monarchie constitutionnelle, mais elle ne s’est pas arrêtée là, parce que ce n’était pas ce qu’elle avait cherché dès l’origine. Cette monarchie était, convenons-en, une importation, une imitation de l’étranger, une sorte de tour de force de la part de quelques hommes éminens par le caractère et par le cœur, mais qui avait laissé la nation elle-même étrangère, indifférente et même