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n’eût fait qu’aggraver le mal en prolongeant le malentendu. Les yeux se sont ouverts, au contraire, quand la question monarchique n’a plus été posée ; la France s’est trouvée sans illusion possible en face d’elle-même, et le retour vers la vérité a commencé. Le gouvernement provisoire y a contribué tout le premier plus qu’on ne semble l’avouer aujourd’hui, et, d’expérience en expérience, de progrès en progrès ; nous sommes arrivés où nous en sommes. Quand un peuple n’a pas de principes, rien ne peut lui être profitable que les leçons, et le plus grand malheur comme le plus grand tort de la monarchie de juillet, c’est d’avoir trop voulu épargner à la nation les épreuves et les faut pas ; si plus de petites fautes avaient été commises, on aurait peut-être appris à éviter la grande.

Voilà donc la France lancée de nouveau dans la périlleuse carrière qu’elle semblait avoir quittée. La révolution, un moment suspendue, a repris son cours : où aboutira-t-elle ? Telle est aujourd’hui la question. Pouvons-nous espérer de rentrer un jour dans les voies paisibles et régulières de la monarchie constitutionnelle, ou sommes-nous livrés sans retour à toutes les chances de l’inconnu ? Grave et redoutable problème que le temps seul peut résoudre. Pour mon compte, je crains bien qu’il ne soit résolu déjà contre la forme de gouvernement que je préfère. L’avenir nous réserve-t-il une forme définitive, spéciale, qui satisfasse à tous les besoins de notre révolution, et qui soit pour elle ce que la monarchie constitutionnelle a été pour la révolution anglaise, ou cette révolution française, qui a commencé par de si grandes promesses et qui a déjà fait de si pénibles efforts pour les réaliser, est-elle destinée à avorter misérablement et à entraîner dans sa chute la nation qui l’a produite ? Je ne puis croire, malgré de sinistres symptômes, que le temps de la décadence et de la mort soit venu pour cette puissante nation française qui a rempli le monde du bruit de son nom ; je ne puis croire que ce grand et beau mouvement de 1789 ait été le commencement d’une agonie, au lieu d’être le point de départ d’une résurrection ; mais je crains bien que le terme de cette révolution, si elle en a un, ne soit pas la monarchie constitutionnelle, telle du moins que nous la connaissons jusqu’ici.

Des cinq gouvernemens qui se sont succédé en France depuis 1789, trois sont tombés par leur faute, la république, l’empire et la restauration ; deux sont tombés par la faute du pays, qui n’a pas su les soutenir, la monarchie de Louis XVI et la monarchie de 1830. Ces deux dernières étaient plus ou moins des monarchies constitutionnelles. La restauration a été aussi, à certains égards, une monarchie constitutionnelle ; mais son principe était différent, et elle a succombé pour avoir voulu cesser de l’être, tandis que les deux autres ont péri pour avoir voulu vivre par la loi et selon la loi. On peut dire avec juste raison du