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La mort de Jean Goujon doit-elle être attribuée à quelqu’un de ses rivaux ? Fut-il tué par jalousie ? La tradition est muette à cet égard. Quelle ville fut son berceau, Paris, Alençon ou Rouen ? Même silence, mêmes ténèbres. À quel âge est-il mort ? Les uns disent à cinquante-deux ans, d’autres à soixante-deux ; mais aucune de ces deux assertions ne paraît justifiée. Nous savons que Jean Goujon a travaillé sous François Ier, sous Henri II, sous François II, sous Charles IX ; nous ne savons pas la date précise de ses premières œuvres. Est-ce à Rouen qu’il faut chercher la première révélation de son talent ? Les Rouennais l’affirment sans réussir à le prouver ; ils donnent à Jean Goujon les portes de Saint-Maclou et ne produisent aucun document à l’appui de cette prétention. Quelques-uns lui donnent aussi le tombeau de Brézé, sans établir d’une façon plus claire la relation de l’œuvre à l’auteur. À moins qu’une circonstance inattendue, le décès, par exemple, de quelque vieux bibliophile jaloux de ses trésors, ne mette le public en possession de documens inédits, il faudra sans doute renoncer à connaître jamais la vie de Jean Goujon, et nous contenter de l’étudier dans ses œuvres. Quant à la chronologie de ces œuvres mêmes, sans pouvoir l’établir d’une manière précise, nous savons pourtant que les sculptures du château d’Écouen, exécutées pour le connétable de Montmorenci, ont précédé les sculptures du château d’Anet, commandées, selon les uns, par Diane de Poitiers, selon d’autres et plus vraisemblablement par Henri II. L’achèvement de la fontaine des Nymphes porte une date certaine, et appartient à la quatrième année du règne de Henri II. Quant aux travaux du Louvre, exécutés soit dans l’intérieur, soit dans la cour du palais, les uns appartiennent au règne de Henri II, entre autres l’escalier qui porte son nom, les autres au règne de Charles IX, à savoir les sculptures voisines du pavillon de l’Horloge. Ces renseignemens nous suffisent pour étudier avec fruit les œuvres de Jean Goujon, pour suivre pas à pas la marche de son génie. Les bas-reliefs détachés de la porte Saint-Antoine, et placés maintenant au musée d’Angoulême, n’ont, je crois, aucune date certaine ; mais cela importe peu, car ils sont empreints du même caractère que les bas-reliefs de la fontaine des Nymphes. Enfin, l’hôtel Carnavalet nous montre le talent de Jean Goujon sous un nouvel aspect, et ne peut être confondu avec les travaux d’Écouen, d’Anet et du Louvre.

Quel fut le maître de Jean Goujon, je veux dire, bien entendu, quel fut son premier maître ? Cette question, posée depuis long-temps, n’est pas encore résolue. Les Rouennais disent que le premier maître de Jean Goujon fut un sculpteur normand, appelé Quesnel, sans apporter aucune preuve décisive ; il en est donc du premier maître de Jean Goujon comme des portes de Saint-Maclou : c’est une conjecture, et rien de plus. Il n’est permis qu’aux érudits qui ont passé toute leur vie dans le commerce des livres de dire que Jean Goujon se forma par