Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le sculpteur florentin a souvent cherché l’énergie aux dépens de la grace, il est impossible cependant de méconnaître la parenté qui les unit. C’est dans la chapelle des Médicis qu’il faut chercher l’origine et l’explication du style de Jean Goujon.

Devons-nous remercier François Ier d’avoir appelé en France les artistes italiens ? devons-nous le remercier d’avoir proposé pour modèle à la sculpture française la sculpture florentine ? faut-il nous associer aux éloges prodigués par les historiens au roi qu’il leur plaît d’appeler le père des lettres et des arts ? Je laisse le soin de répondre aux hommes qui ont pu comparer l’art grec et l’art florentin. Si le père des lettres et des arts eût compris nettement l’intérêt de l’école française, il l’eût mise face à face avec l’antiquité, au lieu de la placer sous la discipline de Florence. C’était mal comprendre la renaissance de l’art en Italie, que de ne pas remonter jusqu’à la cause même de la renaissance. Consulter l’Italie, qui avait interprété la Grèce à sa manière et altéré le sens de bien des leçons au lieu de consulter la Grèce elle-même, ce n’était pas à coup sûr se montrer bien clairvoyant. Si le père des lettres eût confié l’éducation du génie français au génie grec, en laissant à la nature, c’est-à-dire au modèle vivant, le soin d’assouplir et de varier le style enseigné par l’érudition, je ne doute pas que les destinées de l’école française n’eussent été meilleures et plus fécondes. Poser la question en ces termes, n’est-ce pas d’autre part nous montrer bien sévère ? Pouvons-nous raisonnablement exiger d’un roi la connaissance complète ou même la notion sommaire des principes et des styles qui se partagent l’histoire de l’art ? Entre Marignan et Pavie pouvait-il trouver le temps ou concevoir la pensée d’étudier ces problèmes délicats ?

Entre les œuvres de Jean Goujon, il en est une qui jouit à bon droit d’une renommée populaire ; chacun a déjà nommé Diane de Poitiers. Quoique cette œuvre soit loin assurément de résumer tout le talent de l’auteur, quoique les caryatides de la salle des Cent-Suisses, l’escalier de Henri II et la fontaine des Nymphes nous présentent son génie sous des aspects variés, cependant la Diane mérite une attention spéciale. Pour la bien comprendre, pour l’apprécier dignement, il faut savoir ce qu’était le modèle qui a posé devant Jean Goujon. En négligeant cette connaissance préliminaire, l’esprit le plus judicieux s’exposerait à de singulières méprises. S’il voulait, par exemple, trouver dans la Diane du château d’Anet la déesse païenne célébrée par les poètes de l’antiquité, s’il essayait de la comparer aux marbres du Vatican et du Capitole, il arriverait à l’injustice avec la plus parfaite bonne foi. Avant d’aborder l’étude de cette figure, il faut se pénétrer d’une vérité qui doit dominer toute la discussion : la Diane du château d’Anet n’est pas une libre création de la fantaisie, c’est le portrait de la maîtresse de Henri II représentée avec les attributs de la déesse païenne dont elle portait le nom. Il s’agit donc d’estimer cette figure,