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pavillon de l’horloge, soutenu par les caryatides de Jacques Sarazin. Le premier de ces œils de bœuf représente la Victoire écrivant avec un style sur des tablettes les faits qu’elle veut transmettre à la postérité, et l’Histoire tenant une couronne et une palme. Ces deux figures, quoique élégantes, ne sont pas traitées dans un goût assez large, assez sévère, et me paraissent au-dessous de la fontaine des Nymphes. Le Génie de la guerre et le Commerce, dans l’œil de bœuf suivant, sont traités plus largement plus simplement. Les draperies ne sont ni tourmentées ni capricieuses, comme dans l’Histoire et la Victoire. La Victoire et la Renommée, représentées sur le premier œil de bœuf de la façade de l’est, sont vêtues d’une robe légère et flottante dont l’exécution, pleine de finesse et de grace, ne laisse rien à désirer. Les historiens du Louvre voient dans le croissant placé sur le front de la Victoire un hommage rendu à Diane de Poitiers, ce que j’accepte volontiers. Quant à la Renommée qui embouche la trompette, j’ai peine à croire que Jean Goujon, en la modelant, ait songé à Ronsard. Qu’il ait admiré Ronsard, qu’il ait vu en lui le plus grand poète du monde, c’est une question dont je n’ai pas à m’occuper ; qu’il ait partagé ou combattu l’engouement des contemporains pour ce prétendu novateur, peu nous importe ; mais il me semble que, si Jean Goujon eût voulu louer Ronsard à sa manière, il eût pris soin d’exprimer plus clairement sa pensée. Or, si le croissant placé sur le front de la Victoire rappelle à toutes les mémoires le nom de Diane, il est difficile de comprendre comment la Renommée ; sans attribut spécial, rappellerait expressément le nom de Ronsard. L’Histoire et la Victoire, figurées dans le bas-relief suivant, sont plutôt jolies que belles, et d’un style un peu mignard. Le cinquième et dernier bas-relief, la Paix et la Fortune, est, à mon avis, le meilleur des cinq. Il y a dans cet ouvrage plus de gravité, plus de sobriété, que dans les ouvrages précédens. Quoiqu’une tradition généralement acceptée place la mort de Jean Goujon dans la cour du Louvre, M. Callet affirme que Jean Goujon fut tué le jour de la Saint-Barthélemy, non pas au Louvre, mais dans l’hôtel du comte de Poitou, dans la rue qui s’appelle aujourd’hui rue de La Harpe, dont il décorait la cour intérieure, et que les meurtriers étaient conduits par un compagnon, nommé Prédeau que Jean Goujon avait congédié pour quelque méfait.

J’ai maintenant achevé l’analyse des œuvres de Jean Goujon ; il me reste à formuler la conclusion générale de cette étude. Ne pouvant établir d’une façon authentique et certaine la chronologie de ses œuvres, j’ai semblé suivre dans cet examen un ordre plutôt fortuit que préconçu, et cependant je n’ai rien livré au hasard. En donnant le pas à la Diane et aux caryatides, j’ai obéi à une raison sérieuse ; j’ai voulu surprendre dans ces figures ronde-bosse tous les secrets du maître,