Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutefois, dans notre admiration pour la puissance du capital, n’oublions pas que la coopération personnelle de l’homme est incessamment indispensable pour écarter la misère. La richesse est le fruit du travail humain accouplé au capital. Pour une production large, il faut que l’homme travaille et travaille bien, travaille d’une manière soutenue. Mettez des lazzaroni à la place des Anglais dans Manchester ou Sheffield, des Cafres dans les ateliers de Lyon ou des faubourgs Saint-Antoine ou Saint-Denis ; vous reconnaîtrez, à ce que vous obtiendrez en moins, pour quelle part l’homme est de sa personne dans la production de la richesse. La valeur personnelle de l’homme dans le travail est le résultat complexe de sa force physique, de son intelligence et de sa puissance morale. Pour qu’une nation ait une grande puissance de production, il faut qu’une bonne hygiène ait développé la vigueur et l’adresse des individus, que leur esprit ait été cultivé, que leur moral ait acquis beaucoup de vigueur et de tenue. C’est le moral qui est le principal moteur dès qu’il s’agit du travail personnel de l’homme, de même que c’est le ressort d’une montre qui en fait tourner les rouages. Avec de la valeur morale, une nation a vite acquis la culture intellectuelle, a vite découvert et adopté un bon régime. Les forces de l’ordre moral finissent par décider des événemens dans l’industrie comme ailleurs. Il y a deux ou trois ans, le ministre de la trésorerie de l’Union américaine, M. Walker, disait dans son rapport annuel au congrès « Puisque nous avons une force morale supérieure à celle des autres peuples, nous ne devons craindre, dans l’industrie, la concurrence de personne. » C’était parler avec une grande raison. Et n’avons-nous pas vu que le capital lui-même, cet admirable coadjuteur de l’homme, était avant tout le produit de la moralité humaine ?


II. – CE QU’ON EST FONDE A ATTENDRE DU PERFECTIONNEMENT DU TRAVAIL ET DE LA MULTIPLICATION DES CAPITAUX. – DISTINCTION ENTRE LES CAUSES NATURELLES ET LES CAUSES ARTIFICIELLES DE LA MISERE.

Ainsi, me dira-t-on, travailler, épargner, afin de faire du capital ; travailler mieux, épargner davantage, voilà votre plan pour l’amélioration du sort du grand nombre : formule rebattue et usée. N’avez-vous donc rien autre ? Il est vrai, recommander le travail et l’épargne n’est pas d’invention moderne, mais ce n’est pas une raison pour que le procédé soit sans vertu. Mettons-nous bien dans l’esprit, au contraire, que l’homme n’a pas d’autre moyen de secouer la misère, et quel autre voulez-vous qu’il ait ? Travailler et épargner, c’est-à-dire prendre de la peine et puis se modérer dans ses satisfactions en gardant quelque chose, afin d’avoir dans le travail du lendemain plus