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de puissance, c’est conforme à la loi qui nous est tracée ici-bas de faire notre destinée par l’épreuve et le sacrifice. Il n’y a que Dieu qui ne prenne pas de peine et qui puise dans son propre sein sans avoir à se priver. On ne soutiendra pas apparemment que l’humanité soit Dieu ou soit en train de le devenir, quoique cette pensée sacrilège soit au fond de plus d’un des systèmes modernes.

Si les maximes qui recommandent aux hommes de travailler et d’épargner sont vieilles, ce serait, on me l’accordera, une grande nouveauté qu’une société où l’homme serait soustrait aux influences qui jusqu’ici ont paralysé partout à des degrés divers sa volonté d’arriver au bien-être par le travail et l’épargne, influences parmi lesquelles il en faut compter qui sortent de son propre sein. Croire à cette libération n’a rien de chimérique. L’expérience en fournit deux preuves décisives. Dans le même pays, le progrès de la civilisation a fait apparaître des états de société successifs où le sort du grand nombre s’améliorait graduellement. Et si, au lieu de se placer dans le même pays, à des points différeras dans la série des âges, on se transporte par la pensée à un même moment chez des peuples divers, on trouve des différences non moins marquées dans l’existence de la classe la plus nombreuse. Ainsi aujourd’hui l’Angleterre est primée, sous ce rapport, par les États-Unis, et nous prime elle-même à son tour. Nous surpassons les Allemands, qui sont au-dessus des Polonais, lesquels sont supérieurs aux Indous. En cela comme en toute chose, l’espérance du mieux est donc permise à toutes les nations, même à celles qui sont au-dessus des autres.

Il a pu autrefois exister des nations qui vivaient de rapine, en exploitant leurs voisins par la conquête et la terreur. De nos jours, le métier ne serait pas seulement peu honorable, il serait impossible. Quiconque tenterait de le reprendre y succomberait, joignant la honte de la défaite à l’opprobre de ses desseins. Les nations les plus florissantes sont celles dont les membres sont le plus et le mieux occupés, font le plus de capital et prennent le plus de soin pour le conserver. On peut même remarquer que quelques-unes de celles qui se signalent par le bien-être des populations sont celles pour lesquelles la nature avait le moins fait, mais elles ont compensé par leur vertu le désavantage de leur position. Y eut-il jamais un peuple entouré de plus d’obstacles naturels que la Hollande ? Existe-t-il en Amérique un état dont le sol soit plus pauvre que le Massachusetts ? Les Hollandais et les puritains du Massachusetts ont tellement multiplié leurs efforts, ont eu tant de persévérance dans le labeur et tant d’économie, qu’ils sont, devenus, ceux-ci de tous les états de l’Union américaine le plus remarquable par l’aisance de la foule, ceux-là les premiers à cet égard parmi les peuples continentaux de l’Europe. Travailler, épargner, à moins de changer