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Outre les difficultés naturelles contre lesquelles l’homme est forcé de lutter quand il veut produire de la richesse, il en rencontre d’autres qui sont essentiellement artificielles, ouvrages de nos passions, de notre crédulité ou de notre sottise. J’exploite une mine d’argent à 400 mètres de profondeur ; l’obstacle naturel est l’épaisseur de 400 mètres de rochers à travers lesquels il me faut creuser pour atteindre le minerai ; l’obstacle artificiel, ce sera quelque impôt que le gouvernement aura établi sur l’extraction du minerai ou sur le métal, ou quelque règlement mal conçu d’administration publique qui gênera et enchérira l’exploitation. Je veux me procurer du fer en échange du vin que j’ai récolté, je m’adresse à la Suède, où le fer est de bonne qualité et à bas prix ; l’obstacle ou l’un des obstacles naturels, c’est, indépendamment du labeur qu’ont à subir les Suédois pour fabriquer du fer, la distance qui me sépare de la Suède et qui coûte à franchir ; l’obstacle artificiel, c’est un droit de douane exorbitant, par l’effet duquel je n’obtiens, en échange de mon vin, que la moitié du fer qui me serait échu, si je n’étais sous le joug d’une législation ultra-restrictive. Ou encore, comme filateur à Mulhouse, j’ai besoin de coton brut ; le plus grand dépôt de cette matière est à Liverpool, c’est là que je pourrais l’avoir au meilleur marché et en faire l’approvisionnement qu’il me plairait, sans recevoir la loi de personne : l’obstacle naturel est la traversée maritime de Liverpool au Havre et le voyage du Havre à Mulhouse ; l’obstacle artificiel est une stupide législation qui me permettrait d’aller chercher ce coton à Ostende ou à Anvers, où il n’est pas, et qui m’interdit de le prendre à Liverpool, où il existe en amas immenses. Le nombre et la diversité des obstacles artificiels sont très grands ; chacun de nous en porte quelqu’un en lui-même.

Pour ce qui est des obstacles naturels, je ne puis faire qu’entre la surface du sol et la mine la nature n’ait pas placé 400 mètres de rocher, qu’entre la France et la Suède il n’y ait pas des centaines de lieues de navigation, sans compter les transports à l’intérieur, ni qu’entre Liverpool et Mulhouse il ne se trouve une assez grande distance ; mais si l’on découvre un procédé meilleur pour creuser le terrain ou pour transporter les marchandises par mer et par terre, et si l’on a le capital nécessaire pour exécuter ces inventions, les choses se passeront comme si l’épaisseur du roc qui recouvre la mine d’argent n’était plus que de 200 mètres au lieu de 400, ou comme si, de Paris à Stockholm, il n’y avait plus que cent cinquante lieues au lieu de trois cents. Une découverte subséquente et l’emploi d’une portion nouvelle de la richesse déjà acquise à l’établissement de mécanismes propres à utiliser la nouvelle invention nous placeront, à quelque temps de là, dans des conditions aussi avantageuses, par rapport aux procédés primitifs d’exploitation et de transport, que si la mine n’était plus qu’à 100 mètres