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ces termes : « L’Europe est un seul et même peuple, dont les différentes nations européennes sont les provinces, et l’humanité tout entière n’est qu’une seule et même nation qui doit être régie par la loi d’une nation bien ordonnée, à savoir la loi de justice qui est la loi de liberté…

Au risque d’être pris pour ce que je suis, c’est-à-dire pour un philosophe, je déclare que je nourris l’espérance de voir peu à peu se former un gouvernement de l’Europe entière à l’image du gouvernement que la révolution française a donné à la France. La sainte-alliance qui s’est élevée il y a quelques années entre les rois de l’Europe est une semence heureuse que l’avenir développera, non-seulement au profit de la paix, déjà si excellente elle-même, mais au profit de la justice et de la liberté européenne. » Il ne serait pas nécessaire d’être arrivé à cette destination encore éloignée pour changer le mode de recrutement des armées de manière à respecter la liberté des populations, en substituant l’enrôlement volontaire au recrutement obligatoire.

Quant à la portion de l’armée qui est nécessaire au maintien de l’ordre à l’intérieur, une bonne politique au dedans doit la diminuer. Une nation étant donnée, la convenance d’un régime politique par rapport à elle peut se mesurer à la modicité de l’effectif qui est nécessaire pour contenir les perturbateurs. L’organisation politique la meilleure est celle qui comporte le minimum de force armée. C’est ce qui se vérifie très bien par l’Angleterre et les États-Unis. Il existe à peine une force armée dans la Grande-Bretagne ; quelques milliers d’hommes suffisent à contenir les élémens de turbulence que renferme l’Irlande. Aux États-Unis, on se passe absolument de toute force armée régulière. Il n’y a aucune garnison à New-York, à Philadelphie, à Boston. L’armée de huit à dix mille hommes en tout qu’on entretient n’a d’autre objet que d’occuper quelques postes à la frontière, du côté des sauvages, de placer quelques gardiens dans un certain nombre de forteresses, le long des côtes, et de conserver les traditions des armes spéciales. Si la liberté politique ne pouvait subsister en France qu’avec une grosse garnison en permanence dans chacune de nos cités, il faudrait en conclure que la liberté politique n’est pas faite pour nous, que notre race n’en est pas digne ; mais écartons cette hypothèse. Comment discuter de sang-froid ce qui arriverait si la patrie était déchue, si elle cessait d’être la nation par les mains de laquelle la Providence accomplit de préférence ses sublimes desseins, si, du rang de coryphée qu’elle a rempli pendant des siècles dans l’histoire universelle, elle tombait à celui d’un comparse obscur ? car, on n’en peut plus douter, bientôt il n’y aura plus de grands rôles que pour les peuples qui sauront être libres de la liberté politique comme de la liberté civile.

Parmi les moyens de diminuer la force armée, il en est un auquel