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alimentaires. Si l’on étudiait de ces différens points de vue nos lois fiscales, on reconnaîtrait qu’il y a lieu de leur faire subir une refonte. Celles des États-Unis et de l’Angleterre sont supérieures aux nôtres.

La réforme que les Anglais ont introduite dans leurs lois fiscales depuis une vingtaine d’années, mais surtout depuis 1842, semble être ignorée encore de l’administration française, comme si cela se fût passé dans le royaume de Pégu. Aujourd’hui, les matières premières et les grandes denrées sont entièrement franches de droits en Angleterre. La douane les respecte, et l’octroi n’existe pas. C’est de plusieurs centaines de millions que le gouvernement anglais a réellement dégrévé le consommateur ; mais, par le progrès même de l’aisance publique et par l’impulsion qu’a reçue le travail de la nation, le revenu de l’état, sous le régime de ces droits, les uns affaiblis, les autres abolis complètement, est resté à peu près le même : éclatant triomphe d’une fiscalité intelligente ! De notre temps, on ne risque rien quand on admet que la consommation publique s’accroîtra dans une forte proportion, et que les impôts de consommation deviendront plus productifs, même avec un tarif bien moindre, si l’on facilite aux populations les occasions de travailler, et si l’on dégage le travail des entraves qui jusque-là le gênaient ; car, en ce siècle tant critiqué, le commun des individus, s’il aime à se satisfaire, sent bien qu’il faut que ce soit par le moyen du travail[1].

Il serait aussi d’un grand intérêt qu’on examinât à fond, dans ses causes et dans ses effets, la politique commerciale connue sous le nom de système protecteur, qui prévaut en France, et la législation douanière qui en est l’expression. Il ne serait pas très difficile de démontrer que c’est pour la société française une cause d’appauvrissement, de même que c’est pour la liberté et pour la justice une suite d’outrages.

On peut signaler encore le principe d’association comme une des matières touchant lesquelles notre législation laisse le plus à désirer. Nos lois et nos règlement sont contraires à l’association dans la plupart des cas, même dans les plus simples, et lorsqu’elle serait le plus manifestement utile, le plus favorable au progrès de la richesse publique. Dans un excellent mémoire qu’il publia il y a dix ans, M. Rossi disait : « Il faut que, à la faveur de la législation, l’association puisse

  1. Un des plus remarquables exemples des heureux effets qu’on peut obtenir pour le fisc lui-même, en diminuant les droits, est fourni par l’histoire de la consommation du café en Angleterre. En 1807, avec un droit de 4 fr. 14 cent. au minimum et de 6 fr. 67 cent. au maximum par 100 kilog., la trésorerie anglaise ne percevait sur cet article que 2,194,000 fr. Après des révisions successives du tarif, qui, en 1835, mirent le droit à 1 fr. 38 cent. pour les cafés les plus habituellement consommés, le revenu monte, en 1836, à 17,290,00 fr. En 1840, il fut de 23,038,000 fr.