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fois que la politique a pris ou a dû prendre pour objet principal l’amélioration du sort des masses par le perfectionnement du sort du travail et tout ce qui s’y rapporte, comment persévérer dans ces erremens ? Cependant l’humeur guerrière de la noblesse était si bien passée dans le sang de la nation française, que la première république, sous la direction des girondins, puis des jacobins, puis du directoire, tout bourgeois qu’ils étaient tous, s’y abandonna avec transport. Le fondateur du gouvernement essentiellement bourgeois de 1830 aimait la paix. Ses ministres comprenaient que la politique de la paix était la seule dont s’accommodât l’intérêt public, la seule qui pût consolider la dynastie ; mais la bourgeoisie, qui avait mis la dynastie sur le pavois, n’admettait pas que la politique extérieure eût de la dignité et restât fidèle à l’honneur, si elle était pacifique. Les plus paisibles bourgeois applaudissaient aux tirades par lesquelles certains orateurs et certains écrivains poussaient le ministère à des bravades. Le gouvernement de 1830 était ainsi provoqué sans cesse à maintenir les dépenses militaires du pays à un niveau excessif. Il fallait qu’il parût nourrir la pensée d’intimider le monde par terre et par mer. Si ce ne fut pas alors le seul motif de notre grand état militaire, ce fut un des principaux.

De là le maintien d’impôts excessifs. De là la perpétuité de taxes qui restreignaient le travail, enchérissaient les objets les plus nécessaires aux classes ouvrières, viciaient l’hygiène publique par les privations qu’elles imposaient aux masses populaires, et empêchaient le capital de la société de grossir autant qu’il aurait dû le faire[1]. Cet état de choses subsiste toujours. Il faut qu’il y soit mis fin. Pour être nationale désormais, la politique extérieure de la France doit changer de caractère. Son légitime orgueil doit être non plus de faire luire son épée, mais bien de montrer au monde des populations éclairées, industrieuses, aisées, pratiquant leurs devoirs envers soi, envers le prochain, envers la patrie. Glorifions dans nos annales l’esprit chevaleresque du passé, consacrons dans nos monumens les expéditions aventureuses où l’on allait au loin ramasser des lauriers ; mais, puisque la féodalité et le système nobiliaire ont fait leur temps, renonçons à en copier les prouesses.

Supposons une nation où les classes cultivées aient en général de la répugnance pour les professions industrielles, par là j’entends l’agriculture, les manufactures, le commerce indistinctement : leurs jeunes gens dès-lors encombreraient d’autres carrières où la plupart ne rendraient que des services médiocres. Ces classes commettraient envers

  1. Je ne veux pas dire que le capital de la société française ne grossissait pas sous la monarchie de juillet. Je crois même qu’à aucune époque il ne s’est autant développé ; mais il aurait pu s’accroître bien plus encore.