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sans ciment. À l’extrémité de cette terrasse était le tombeau auquel elle servait pour ainsi dire de socle.

Le rocher, je l’ai dit, avait été habilement taillé et ménagé. Il présentait l’aspect d’une construction architecturale qui participait du genre adopté généralement pour les palais de Persépolis. La façade offre à la base un portique simulé par quatre colonnes engagées ; leurs chapiteaux sont formés de deux corps adossés de taureaux dont les fronts cornus supportent une corniche à denticules. Au-dessus règne une frise dans laquelle sont sculptés dix-huit lions rangés, par neuf de chaque côté, en ordre inverse et séparés par une espèce de fleur de lotus qui est au centre. Au-dessus de cet entablement, la façade se rétrécit, et dans un cadre compris entre deux parties saillantes du rocher se trouve un grand bas-relief dont le sujet paraît essentiellement religieux. À la partie supérieure est le mihr, qui semble présider à un acte du culte du feu, accompli par un personnage dans lequel j’ai cru reconnaître le roi. Ce personnage est debout, monté sur trois degrés. Il tient un arc de la main gauche, et il étend la droite, en signe de serment ou d’adoration, vers un autel sur lequel est représentée la flamme sacrée. Cette scène semble avoir pour motif la consécration de la foi au culte du feu par le souverain dont la dépouille mortelle a été déposée dans ce caveau. Cette première partie du bas-relief est placée sur une espèce de table ornée d’une rangée d’oves et terminée aux deux bouts par le double corps de ce monstre bizarre dont j’ai eu déjà occasion de parler et qui réunit la nature du lion à celle de l’aigle. Quatorze figures sur deux rangs, de physionomies et de costumes différens, semblent supporter cette espèce d’estrade. D’autres figures sont placées de chaque côté ; parmi elles, il y en a dont le geste et l’attitude semblent indiquer qu’elles pleurent. Telle est la disposition intérieure de ce caveau funéraire où se retrouve, on le voit, le système d’ornementation commun à tous les palais de Takht-i-Djemchid.

Mes recherches dans les hypogées de Persépolis furent troublées par un incident qui mérite d’être raconté. J’aperçus, gravissant le sentier qui y conduisait, deux individus dont le costume me parut de loin différent de celui des Persans : c’étaient deux vieillards de petite taille, mais robustes et à l’œil vif ; au lieu du bonnet de peau d’agneau pointu, ils avaient la tête couverte d’un large turban à bouts pendans sur l’épaule ; leur barbe, au lieu d’être soigneusement teinte d’un beau noir, selon l’usage des Persans, était telle que les années l’avaient rendue, tout-à-fait blanche ; ils échangèrent entre eux quelques mots dans une langue que je n’avais pas encore entendue dans ces contrées ; puis ils m’adressèrent la parole en persan. Aux questions que je leur fis, ils répondirent qu’ils étaient des marchands de Jezd, où ils se rendaient après avoir accompli un long voyage qu’ils venaient de faire dans le