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le Geta et l’Aulularia de Vital de Blois[1], la Lydia et le Milo de Matthieu de Vendôme, l’Alda de Guillaume de Blois, le Miles gloriosus[2], etc. Peut-être ces narrations, qui tiennent à la fois du drame et du fabliau, étaient-elles les cantica explicatifs de pantomimes jouées dans les écoles. La France a conservé long-temps l’usage de ces spectacles épico-lyriques, témoin ceux qui furent donnés dans les rues et sur les places de Paris à l’occasion de l’entrée de la reine Isabeau. Les Anglais ont conservé cette forme de représentation encore plus long-temps que nous, et ils ont même un mot exprès, encore en usage, pour désigner ces spectacles ; ils les nomment pageant.

Mais, pour être autorisé à dire que plusieurs des cantiques et des légendes rhythmiques des VIIe, VIIIe et IXe siècles ont servi d’explication et de texte à des représentations de marionnettes, il faut préalablement bien établir l’existence de ce genre d’amusement durant cette époque ; essayons.

Plusieurs textes prouvent la persistance et la popularité de la névrospastie dans l’empire grec. Synesius, évêque de Ptolémaïde au Ve siècle, voulant faire comprendre l’action incessante que Dieu exerce sur les démons et généralement les effets qui subsistent après que leurs causes appréciables ont cessé, compare ce phénomène à ce qui arrive dans le gouvernement des marionnettes, « qui se meuvent encore, dit-il, après que la main qui les dirige a cessé d’agiter les fils[3]. » Un grammairien du VIIe siècle, qui a commenté en grec plusieurs des ouvrages d’Aristote, Jean, surnommé Philoponus[4], ou plus simplement Grammaticus, donne, à propos d’un passage assez obscur d’un traité d’Aristote[5], des éclaircissemens tellement précis sur les marionnettes automatiques, qu’on peut en inférer que le jeu de ces petites machines lui était très familier. « Aristote, dit-il, appelle άυτόματα θαύματα les petites figures de bois dont on donnait le spectacle dans les noces. » Ce trait de mœurs est remarquable. Puis il expose comment les diverses parties de ces figures conservent, lors même qu’elles sont au repos, la faculté d’être mues, sans même que le mécanicien les touche. » Celui-ci, dit-il, met une pièce en mouvement, cette pièce transmet l’impulsion à une autre, et enfin la figure paraît s’agiter

  1. Ce sont les sujets de l’Amphitryon et de l’Aulularia, de PlaUte, accommodés aux mœurs des étudians du moyen-âge. Pour la patrie de Vital et le temps où il a vécu, voyez l’édition du Geta, donnée par Car. Guil. Müller ; Berne, 1840.
  2. Voy. M. Éd. Du Méril, Origines latines du théâtre moderne, p. 284.
  3. De Providentia, lib. I, Oper., p. 98.
  4. Ce savant était, suivant Abulpharadge, à Alexandrie en 640, quand les Arabes firent la conquête de l’Égypte.
  5. De Generatione animalium, lib. II ; Oper., t. V, p. 242, seq. Ed. Bekker. — Idem opus, cum Philoponi comment., Venet, 1526.