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de sécurité. La sagesse de la reine dona Maria, la fermeté toute virile qu’elle sait opposer à certaines obsessions, laissent peut de chances aux quelques chefs de coterie qui voudraient substituer leur vieille inexpérience à la politique habile et soutenue du comte de Thomar. Lui seul a deviné les élémens conservateurs du pays, lui seul les a disciplinés, lui seul a droit de les conduire.

Nous avons cru devoir insister d’une façon toute particulière sur le rôle personnel du ministre portugais, et parce qu’il résume aujourd’hui toute une situation, et parce que cette situation est le point de départ d’une véritable révolution économique pour la Péninsule. L’infranchissable muraille qui s’élevait depuis un siècle et demi entre l’Espagne et le Portugal est aujourd’hui minée des deux côtés à la fois. Pendant que l’une rompt hardiment avec ce système prohibitif qui transformait ses issues continentales en impasses, l’autre se souvient tout à coup qu’il touche, par une ligne de cent cinquante lieues, au continent, et demande à grands cris, par l’organe de ses députés et de ses chambres municipales, des voies terrestres de communication. Les compagnies et l’administration espagnoles projettent des tracés de chemin de fer et des canaux sur la frontière portugaise, et le commerce portugais, à son tour, se prononce pour la libre navigation du Duero. Voilà donc de part et d’autre un grand pas de fait vers le rapprochement commercial des deux familles péninsulaires. Pour l’Espagne, ce rapprochement est déjà devenu une nécessité. Que l’ordre se consolide en Portugal, que la vivifiante impulsion imprimée par le comte de Thomar à ses intérêts matériels s’y soutienne quelques années encore, et cette nécessité finira par être commune aux deux nations. On s’exagère d’ailleurs beaucoup trop les obstacles qui peuvent naître ici de la position exceptionnelle du Portugal vis-à-vis d’une puissance de premier ordre. Les impossibilités politiques d’aujourd’hui tendent de plus en plus à s’appeler les besoins économiques de demain, et les imprévoyans auraient peut-être seuls droit de s’étonner, si ce petit pays, où la patience britannique appuyait, au commencement du siècle, l’invisible levier qui souleva le monde continental contre la France, devenait, avant que le siècle s’achève, le point d’appui d’une coalition bien autrement durable et féconde : l’alliance douanière du nord et du midi européens.


G. D’ALAUX.