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j’ai compris aussi pourquoi les clubs exerçaient une si forte pression sur les gouvernemens révolutionnaires : c’est qu’ils sont l’expression bien plus directe de la démocratie, que le gouvernement, qui n’est jamais qu’une délégation. Les clubs peuvent faire la leçon au gouvernement, et le gouvernement n’a rien à objecter. En outre, les clubs, c’est l’émeute légale, l’émeute que la loi ne peut atteindre. C’est aussi jusqu’au 17 mars le genre d’émeute que nous avons eu l’émeute légale, les prédications incendiaires légalement émises.

Quelles étaient donc à cette époque, au 17 mars, les tendances des différentes fractions du parti démocratique ? Il y avait alors quatre politiques qui se croisaient et s’entre-croisaient sourdement, mais sans mystère aucun. Chacun savait les fatales divisions du gouvernement provisoire, les exigences de M. Louis Blanc, les faiblesses et les entraînemens révolutionnaires de M. Ledru-Rollin. Il n’y avait qu’un rôle qui fût joué mystérieusement : c’était celui du préfet de police. À part celui-là, les secrets du gouvernement provisoire étaient à peu près aussi bien gardés que le secret des commères de La Fontaine. Il y avait donc alors quatre tendances différentes au sein du gouvernement et des partis démocratiques. Il y avait d’abord la tendance de la majorité du gouvernement provisoire, qui arrêtait la révolution à son origine, qui mettait obstacle à ce qu’elle allât plus loin ; puis, la tendance de M. Ledru-Rollin et de ses amis, qui n’allaient pas fort loin, ou du moins qui allaient et étaient susceptibles d’aller plus loin en paroles qu’en actions : la politique de M. Ledru-Rollin consistait, si nous ne nous trompons, à vouloir le développement révolutionnaire de la révolution, à vouloir gouverner, non pas d’après les lois les plus simples du gouvernement, mais d’après les instincts, les penchans et les désirs de la révolution, sans s’inquiéter de savoir s’ils étaient vrais ou faux, en fermant pour ainsi dire les yeux et en se confiant au dogme de l’infaillibilité du peuple. — Il y avait encore la politique des socialistes et des démolisseurs, personnifiée dans certains chefs de clubs influens et représentée officiellement par M. Louis Blanc : celle-là consistait à attaquer de front la bourgeoisie et à recommencer la révolution. — Enfin, il y avait la politique du préfet de police, M. Caussidière, hostile aussi à la bourgeoisie, mais moins imprudente et plus voilée que la dernière. M. Caussidière, adversaire aussi implacable de la bourgeoisie que M. Louis Blanc, ne l’attaquait pas aussi franchement que son confrère ; il la flattait et la caressait, il essayait de l’amener tout doucement à une révolution sociale, en continuant d’employer les moyens qui avaient si bien réussi en février. Tous les actes et toutes les paroles de M. Caussidière ne sont que la continuation et l’affectation du fameux cri de vive la réforme en pleine république et en pleine révolution.

Le plus dangereux de tous ces hommes était à coup sûr M. Louis