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Non, assurément. L’Autriche a son genre de libéralisme, et ce libéralisme mérite de n’être pas chez elle un sentiment du lendemain, mais de la veille ou de l’avant-veille. Bien des gens prendront cela pour un paradoxe, et cependant rien n’est si vrai. Seulement, le libéralisme de l’Autriche n’a rien de philosophique et de littéraire. C’est un libéralisme qui se rattache à l’économie politique plus qu’à la constitution de 1848. L’Autriche, sous M. de Metternich, s’est toujours beaucoup préoccupée des questions industrielles et commerciales. C’est ce genre de libéralisme dont elle se fait en ce moment une arme contre la Prusse. Elle propose à la fois deux choses à l’Allemagne : une union fédérale avec la monarchie autrichienne et une vaste association de douanes et de commerce. Un curieux article de la Gazette de Vienne du 16 juin 1850 explique à ce sujet la politique judicieuse et pratique de l’Autriche. « C’est en vain ; dit la Gazette, qu’on prétend que l’unité politique organique de l’empire d’Autriche, telle qu’elle existe depuis la nouvelle constitution, ne se concilie pas avec les rapports fédéraux de cet empire avec les autres états de l’Allemagne. » L’Autriche, au lieu d’être un empire d’états différens réunis sous le même chef est une monarchie une et centralisée ; mais cela n’empêche pas que cette monarchie qui a en Allemagne ses origines et ses intérêts, sa capitale et sa langue, ne puisse entrer avec l’Allemagne dans des rapports fédéraux aussi intimes que par le passé. L’idée d’exclure l’Autriche de l’Allemagne, parce qu’elle n’est pas tout allemande, est une chicane ethnographique, et de plus c’est une impossibilité. Ni l’Autriche ni l’Allemagne ne le veulent, et maintenant c’est pour mieux s’attirer l’Allemagne ou pour mieux la retenir, que l’Autriche propose une union de douanes. Elle veut unir les intérêts pour mieux unir les sentimens ; et, au lieu de faire de l’unité de l’Allemagne une tradition historique ou une chimère démagogique, elle en fait un intérêt et une affaire. « De nos jours, dit la Gazette de Vienne, il faut qu’une union politique allemande devienne aussi un Zollverein et vice versâ, ou bien l’un et l’autre est un mensonge, une illusion, et, au lieu d’arrêter la dissolution de l’Allemagne dans les intérêts matériels et politiques, on laisse se perpétuer la désorganisation de la société. Quoique le Zollverein existant reposât sur une nécessité naturelle et morale du peuple allemand, il manquait cependant à son développement un organe et une direction énergique et des institutions basées sur des lois constitutionnelles ; en un mot une organisation convenable. Le Zollverein avait à la vérité des conférences de fonctionnaires publics, mais il n’avait pas des diètes ayant une efficacité réelle. Les fonctionnaires publics dans les conférences générales étaient, à raison de leur petit nombre et de leur dépendance, tout-à-fait hors d’état de représenter les intérêts généraux si importans et si variés, d’une si grande communauté commerciale. Les chambres des états particuliers ne remplissaient qu’une vaine formalité en donnant leur adhésion. L’opinion publique s’est pénétrée de cette vérité, que le Zollverein, dans sa forme actuelle, n’atteindrait jamais complètement son but et qu’il ne pourrait pas répondre aux besoins existans. Son imperfection, qui vient essentiellement de l’absence d’un centre pour la direction d’une politique commerciale nationale, durera aussi long-temps que la communauté des intérêts industriels et commerciaux allemands n’aura pas une représentation légale organique, comme l’Angleterre, la France et l’Allemagne du nord en possèdent une. »

Cette théorie ne manque : assurément pas de hardiesse et d’ampleur. Voici un