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la bataille perdue, revint jusqu’à Nymburg au grand galop, disant à l’officier qui l’accompagnait et dont le cheval tomba mort de lassitude : Ah ! mes hussards, mes braves hussards sont sûrement perdus ! » Marie-Thérèse combla Daun d’honneurs (c’était la première victoire gagnée contre les Prussiens), elle alla à sa rencontre hors des murs de vienne, et ordonna, que les soldats de ce brave régiment ne porteraient jamais ni barbe ni moustache pour rappeler leur jeunesse et leur héroïsme ; puis elle broda de ses mains sur l’étendard une rose entourée d’épines et la devise : Qui s’y frotte s’y pique. Ce régiment fut ensuite appelé les dragons de Latour[1] ; beaucoup de ceux qui ont fait les brandes guerres de l’empire l’ont, connu, ont admiré sa bravoure, et plusieurs généraux français en parlent dans leurs mémoires. — Garde à nous ! voilà les Latour ! disaient les soldats français, lorsque, plusieurs attaques n’ayant pu rompre leurs carrés, on lançait sur eux ces intrépides cavaliers. La seule aigle impériale qui ait été prise pendant la première campagne d’Allemagne a été enlevée dans une charge de ces dragons de Latour contre le quinzième régiment de dragons français au combat de Haslau.

À Vérone, le premier monument qui mérite l’attention du voyageur, ce sont les arènes ; quoique l’on en ait détruit une partie et toute l’enceinte extérieure à l’exception de cinq arcades, elles surpassent en grandeur tout ce que je pouvais imaginer. Les arènes de Vérone peuvent contenir plus de cinquante mille personnes ; je m’y suis trouvé avec quinze mille spectateurs à une représentation de jour, et ils y étaient presque perdus ; les vomitoires sont si nombreux, les corridors si larges, que, m’étant levé la représentation finie, j’arrivai sur la place devant les arènes, sans avoir été arrêté une minute par la foule, sans même avoir ralenti le pas. Un canal communiquant avec l’Adige au-dessus de la ville y amenait huit pieds d’eau pour les naumachies ; à droite et à gauche des deux entrées principales, il y a quatre grandes niches où étaient enfermées les bêtes féroces ; on soulevait les grilles, et elles bondissaient en fureur dans l’arène. Intérieurement et tout autour du corridor inférieur, l’on voit encore vingt-quatre prisons où l’on gardait les gladiateurs ; elles ne sont éclairées que par un trou d’un pied carré, donnant à une hauteur de quinze pieds du sol dans ce corridor qui est fort obscur, et c’était dans ces trous affreux qu’attendant leur tour d’être déchirés par les bêtes, les malheureux captifs pouvaient entendre les cris de désespoir de leurs compagnons.

J’allai voir le palais Canossa : les salles, tendues en damas et en velours, sont superbes ; sous l’architrave, je lus l’inscription : Et filii

  1. Il porte maintenant le nom de chevau-légers du prince Windisch-Graetz, et c’est celui où j’avais l’honneur de servir comme lieutenant au commencement de la campagne.