Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

filiorum et semen illorum habitabunt-in soecula !… Quel gage de grandeur que cette espérance dans l’immortalité de sa race ! Du haut du castel, on a une très belle vue sur la ville et la campagne, les montagnes, la plaine et les clochers de Vérone noyés dans des flots de lumière. À la nuit, en redescendant à la ville, je passai devant l’église, de Sainte-Rosalie, et je vis, à travers les larges rideaux du portail, le chœur et l’autel tout resplendissans de lumière ; j’y entrai et fus frappé de la majesté du lieu ; des milliers de cierges brûlaient dans de grands candélabres ; les colonnes et toute. l’église étaient tendues de damas rouge bordé de drap d’or, et le chant grave et majestueux des prêtresse mêlait au son puissant des orgues.

L’automne se passa tranquillement ; cependant il y avait je ne sais quelle vague inquiétude dans l’air. Au moindre bruit, les bourgeois paraissaient sur le seuil de leurs portes, et les femmes entr’ouvraient leurs volets pour regarder dans la rue. Pendant le mois de février, une sourde agitation commença à se manifester dans toute l’Italie : des réunions secrètes eurent lieu dans les grandes villes, et des indices certains annonçaient qu’une révolution se préparait. Nous apprîmes qu’à Milan quelques-unes de ces personnes chez lesquelles les sentimens se traduisent toujours en questions d’argent et de gain ou de perte avaient formé une association ayant pour but d’empêcher de fumer, afin de ruiner l’Autriche, à ce qu’elles disaient, en faisant perdre au gouvernement les sommes considérables que lui rapportait la vente du tabac. Vers la fin du mois de février, plusieurs officiers furent insulte dans les rues de Milan, et le premier lieutenant, le comte Thun, ayant été blessé d’un coup de pistolet tiré par derrière, comme il rentrait chez lui le soir, les soldats reçurent l’ordre long-temps attendu, toujours différé jusqu’à la dernière extrémité, de se servir de leurs armes pour se défendre.

Vérone- était calme encore ; pourtant l’on craignait quelque mouvement, et, pendant plusieurs jours, les troupes furent consignes dans les casernes et les chevaux sellés. Nos chefs paraissaient inquiets mais nous, toujours prêts à sauter en selle, nous trouvions que cette vie agitée faisait un agréable contraste avec la monotonie de l’exercice et des parades perpétuelles ; puis je ne sais quelles vagues espérances de guerre venaient nous animer : nous étions gais et insoucians, impatiens de combats. — « Qu’avez-vous donc, Chalamann, vous me paraissez de très belle humeur ce soir ? disais-je à un de mes sous-officiers qui riait et plaisantait pendant une patrouille que je faisais la nuit par une pluie battante. – Ah ! mon lieutenant, me répondit-il, c’est que nous allons avoir la guerre, et les mains me démangent de faire, avec mon sabre, des moulinets sur la tête de ces gens qui se moquent de nous et qu’on n’ose pas toucher. »