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presque égales et comme une ligne de défense tracée par la nature, les villages de Chievo, Massimo, Santa-Lucia, Tomba et Tombetta, que nous occupâmes avec nos troupes, ayant l’aile droite à Chievo et la gauche à Tombetta.

Le 10 au soir, j’allai aux avant-postes devant Chievo avec, deux pelotons de chevau-légers, et, ayant placé des vedettes, j’envoyai pendant toute la nuit des patrouilles jusque vers Bussolengo. Le lendemain matin, ayant reçu l’ordre de détruire un magasin à poudre qui était hors de la ligne des avant-postes, je me rendis au lieu désigné avec vingt de mes gens. Comme nous entrions, le bruit des éperons sur les dalles me fit songer que nous pourrions bien sauter en l’air avant d’avoir exécuté cette commission de confiance, et il y avait vraiment de quoi nous faire sauter bien haut. Nous versâmes de l’eau dans les tonneaux, et en moins d’une heure six cents quintaux de poudre ne furent plus qu’une boue noire et épaisse.

L’après-midi, mes patrouilles envoyées à de grandes distances n’ayant pas rencontré l’ennemi, je rangeai mes soldats dans la cour d’une ferme, fis débrider pour donner l’avoine aux chevaux et allai m’asseoir dans une chambre ; mais voilà qu’au bout d’un moment une violente détonation fait voler les vitres en éclats. Je m’élance dans la cour. L’ennemi devait être bien près. Je me précipite vers la porte de la cour, résolu à la défendre contre les premiers qui allaient venir fondre sur nous ; mais, ne voyant rien venir, j’envoyai une patrouille à la découverte. Une poudrière qui venait de sauter du côté de Bussolengo avait causé cette alarme et tout cet effroi.

Le lendemain 12 avril, le maréchal fit attaquer Castelnovo par la brigade Taxis. Quelques bataillons de volontaires et les jeunes gens que la princesse Belgiojoso avait amenés de Naples s’étaient jetés dans ce bourg, situé sur la route de Vérone à Peschiera, pour intercepter ainsi nos communications avec cette forteresse. Ils se défendirent comme des désespérés. Les raquettes à la congrève mirent le feu aux maisons, et les pauvres habitans, que les volontaires avaient forcés de rester pour les aider et barricader les rues, périrent presque tous brûlés et étouffés. Le soir, la brigade Taxis rentra à Vérone. Le courage, le dévouement que montrèrent dans ce combat les officiers les firent aimer des soldats de cette brigade, composée d’Italiens ; beaucoup restèrent fidèles au drapeau impérial, et le soir ils criaient en défilant sur la place « Vive l’empereur ! vivent nos braves officiers ! nous les suivrons partout ! » Ils menaient avec eux parmi les prisonniers un prêtre qu’ils avaient pris les armes à la main ; ils l’avaient affublé d’un shako et d’une buffleterie blanche qui faisait sur sa longue soutane noire le plus plaisant effet.

Le jour suivant (13 avril), je partis à quatre heures du matin avec