Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/652

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Zucchi gardait, avec cinq ou six mille hommes, la forteresse de Palmanuova ; le vieux général Pepe venait d’arriver a Bologne avec douze mille Napolitains ; des corps toscans, des bataillons de Parmesans, d’étudians de toutes les universités de l’Italie, bloquaient Mantoue sur la rive droite du Mincio. Tout le pays était en pleine révolte : chaque ville, chaque village était armé ; l’escadre napolitaine, unie à celle de Sardaigne, allait bloquer la flotte autrichienne dans le port de Trieste. Nous étions depuis une semaine sans nouvelles du général Nugent. Notre armée se montait à peine à trente mille hommes, et Charles-Albert était, avec soixante mille Piémontais, aux portes de Vérone.


IV

Le 15 mai au matin, le maréchal, n’ayant pas encore reçu de courrier du général Nugent, me fit appeler et me chargea d’aller, avec toute la vitesse qui me serait possible, lui porter l’ordre de marcher sur Vérone, sans s’arrêter -à l’attaque des villes de Trévise et de Vicence, qui étaient occupées par l’ennemi. D’après les dernières nouvelles, le général Nugent devait être à Conegliano avec son corps d’armée ; mais les communications étaient tellement interceptées, que, pour y arriver sans risquer d’être pris par les bandes de crociati, il fallait remonter jusqu’en Tyrol, suivre le Pusterthal, passer par la Carinthie et redescendre en Italie par Udine. Ce voyage exigeait plusieurs jours. Le général Mengewein, qui connaissait parfaitement tout le pays, me fit un plan des divers chemins par lesquels je pourrais, sans remonter jusque dans le Tyrol, essayer de passer, en traversant les montagnes, de la vallée de l’Adige dans celle de la Brenta par le Val-d’Ampezzo, ou dans celle de la Piave par le Val-Sugana, pour gagner ensuite Conegliano ; puis, le maréchal m’ayant souhaité bonne chance, je partis heureux et plein de joie. J’allais traverser un magnifique pays, revoir le général Nugent ; beaucoup d’officiers de son armée que je connaissais, et j’espérais arriver encore à temps pour prendre part aux combats qu’ils auraient à soutenir contre les troupes ennemies qui occupaient la Vénétie. À trois heures, j’étais à Roveredo ; le colonel Melzer, du régiment Prince-Schwarzenberg, me dit qu’il était impossible de passer par le Val-d’Ampezzo, qui était gardé par les insurgés. Une tentative qu’il avait faite quelques jours auparavant pour forcer le passage lui avait même coûté plusieurs de ses meilleurs soldats. Je continuai donc ma route, arrivai à Trente à la nuit tombante, et, quittant la vallée de l’Adige, j’entrai dans le Val-Sugana.

La nuit était superbe, je voyageais avec une extrême vitesse. J’allai jusqu’à Primolano, et m’arrêtai chez le général Rossbach, qui gardait