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se rapprocher de la limite légale, refusait des billets à ceux qui lui en demandaient, et les obligeait à recevoir des espèces. Le cours forcé des billets n’était plus qu’une formule comminatoire. La pratique commerciale avait renversé les termes du décret : la Banque donnait une sorte de cours forcé aux espèces. Il fallut, pour rendre possibles les opérations du commerce, élever la limite des émissions à 525 millions.

Cette marge nouvelle se trouve déjà trop étroite, puisque la circulation des billets émis par la Banque excède aujourd’hui 510 millions, et que le mouvement d’expansion tend continuellement à. s’accroître. En moins de huit mois et sous l’influence d’une reprise déjà sensible dans les affaires, la Banque a livré au public une quantité additionnelle de billets à peu près égale aux sommes dont la circulation s’était augmentée dans une époque de stagnation et d’inquiétude, depuis le mois de mars 1848 jusqu’au mois de décembre 1849.

Quel parti devaient prendre les pouvoirs publics en face d’une situation vraiment nouvelle en France ? Fallait-il, pour maintenir le cours forcé et avec l’obligation de pourvoir aux besoins du commerce, élever encore une fois le maximum imposé aux émissions ? ou bien convenait-il plutôt de décharger le gouvernement de ces fonctions extraordinaires de régulateur du crédit, dont les circonstances l’avaient investi, et de rendre à la circulation toute sa liberté, en autorisant la Banque à reprendre ses paiemens en espèces ? Telle est la question que M. le ministre des finances vient de poser à l’assemblée nationale, en l’invitant par son exemple à incliner du côté de la liberté et à abroger le décret du 16 mars 1848.

En principe, et à ne considérer que le train régulier des affaires, l’existence du cours forcé est toujours un mal. Les billets d’une banque n’ont de valeur que par leur convertibilité en espèces, car que signifie la promesse de payer à vue et au porteur, si lorsque le porteur se présente le paiement lui est refusé ? L’expansion des billets a deux élémens : la richesse de la population qui en fait son principal moyen d’échange, et le crédit de la banque qui les émet. Plus un peuple est riche et plus il échange ; plus il échange, et plus il est conduit à employer le papier de banque de préférence à l’argent. Le crédit d’une banque s’étend en raison directe de la sagesse de ses opérations et de la solidité de la constitution qu’elle se donne. La banque d’Angleterre, dont le privilège n’embrasse qu’un rayon de soixante milles autour de Londres, voit ses billets acceptés comme monnaie dans tout le royaume ; elle sert de base aux établissemens de crédit dont l’Irlande et l’Ecosse sont dotées.

Supposez le public libre de choisir entre les banques : il acceptera de préférence les billets de celle qui lui offrira les plus solides garanties,