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et, si aucune banque ne le rassure, il refusera leur papier pour se retrancher dans la circulation purement métallique. Que fait donc l’état quand il oblige le public à recevoir tels ou tels billets au même titre que l’argent ? Il supprime le libre arbitre des individus dans les choses qui touchent de plus près à la sécurité des transactions et à l’intérêt des fortunes. Il place les mauvaises banques sur le même pied que les bonnes, fait tort à celles-ci, avantage celles-là ; pour tout dire, il substitue au crédit de ces établissemens l’autorité, c’est-à-dire, en matière de finance, le crédit de l’état.

Il suit de là que l’on n’abroge pas le cours forcé aussi aisément qu’on l’a établi. L’état ne peut pas retirer sa garantie, à la faveur de laquelle l’usage des billets a pris une extension auparavant inconnue ; sans veiller à ce que les banques qui recouvrent leur liberté fournissent au public des garanties équivalentes. Que sert de déclarer les billets remboursables à présentation, si la banque n’a pas les ressources nécessaires pour les rembourser dans toutes les circonstances ? C’est surtout en matière de finances qu’il y a le plus grand danger à faire des lois autre chose que l’expression des réalités.

Le gouvernement avait décrété le cours forcé des billets dans l’intérêt du trésor au moins autant que dans l’intérêt de la Banque de France ; il avait voulu faire de la Banque un instrument de crédit pour l’état lui-même, un supplément au service de la dette flottante, une machine à emprunt. Un emprunt de 50 millions sans intérêt fut d’abord le prix du décret qui suspendait les paiemens en espèces. Plus tard, au moyen d’un traité ratifié par l’assemblée nationale, un emprunt de 150 millions, portant 4 pour 100 d’intérêt avec compte réciproque et remboursable à échéances fixes, fut ouvert au trésor par la Banque, qui s’engagea ainsi à prêter à l’état ce qu’elle possédait et ce qui ne lui appartenait pas, l’argent d’autrui avec le sien propre.

J’en appelle au souvenir des commissions qui ont eu à examiner successivement le budget et la situation de nos finances : qui a jamais cru dans l’assemblée nationale que l’on pût raisonnablement abroger le cours forcé, tant que la Banque de France resterait dans les liens de l’état ? Quel était l’argument principal des financiers qui voulaient que l’état ouvrît un emprunt en 1850, pour soulager la dette flottante ? Ne disaient-ils pas, sans être contredits dans l’assemblée, que le trésor devait rembourser à la Banque les sommes qu’elle lui avait prêtées, afin de la mettre en situation de reprendre ses paiemens ? Eh bien ! voilà ce que je reproche à la loi de ne pas faire. Elle replace la Banque en présence de ses obligations normales, sans lui restituer ses moyens d’action, elle déclare les billets de la Banque remboursables, et elle retient dans les mains de l’état le capital destiné à faire face à ces engagemens, tous les jours exigibles. À la vérité, M. le ministre des