Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/762

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour ne point attribuer au cabinet autrichien plus de générosité qu’il n’en a, voici le revers de la médaille. Les institutions que l’Autriche accorde ainsi aux Slaves méridionaux sont excellentes en elles-mêmes, elles donnent à ces populations à peu près toute la liberté qu’elles désiraient ; mais elles n’assurent pas à leur nationalité la concentration et la force qu’elles ambitionnaient en même temps que la liberté politique et civile. Le vœu des Slaves méridionaux dans les colonies militaires, dans le Banat, en Dalmatie, en Carinthie, en Styrie, en Carniole, aussi bien qu’en Croatie et en Slavonie, c’était la fusion de toutes ces portions de l’Illyrie, disjecti membra, en un seul corps, ayant un seul ban, une seule diète, une administration unique, un même drapeau et un même nom. C’est ce que l’Autriche n’a point voulu. Dans quelle intention’ ! Cela se conçoit. Elle craint ce juvénile et ambitieux essor de peuples nouveaux qui hier l’ont sauvée, et qui demain, devenus ses ennemis, pourraient lui causer de justes inquiétudes. Qu’ils soient libres, elle y consent, à la condition pourtant qu’ils restent divisés. C’est l’instinct de sa conservation qui lui dicte cette politique. On peut le regretter dans l’intérêt des peuples qui en souffrent ; mais on ne saurait en faire un crime au gouvernement autrichien. C’est aux populations de rivaliser avec lui de prudence : elles sont aujourd’hui en possession de droits étendus ; qu’elles en usent avec précaution et patience, le temps fera le reste.

En Piémont, un incident s’est produit ces jours derniers, lequel peut donner naissance aux plus graves complications. Le parlement venait de se proroger. Pour la première fois, depuis deux ans et demi que le système constitutionnel est établi dans les états sardes, la représentation nationale avait pu achever une session pleine et entière, sans révolution, sans crise ministérielle, sans trop d’encombre enfin, et l’honneur de ce progrès accompli revenait à bon droit à la politique impartiale et conciliante du ministère Azeglio. Si cette marche heureuse est troublée aujourd’hui, qui devra-t-on en rendre responsable. Dans les débats irritans qui s’engagent, nous ne voudrions introduire aucune appréciation prématurée ; mais le simple récit des faits nous semble assez significatif.

Un des membres du cabinet, M. de Santa-Rosa implore au lit de mort les secours de la religion. M. de Santa-Rosa était fervent catholique ; cela est notoire à Turin. Son confesseur se rend à cet appel, lui administre l’absolution ; mais quand il s’agit du viatique et de l’extrême-onction, le curé de la paroisse refuse, à moins que le moribond ne rétracte solennellement la part qu’il a prise à la réforme ecclésiastique. Aux supplications qui lui sont adressées, il oppose des ordres supérieurs et formulés depuis long-temps dans la prévision du cas qui se présente ; il menace même d’un refus de sépulture. Au milieu de ces contestations, M. de Santa-Rosa meurt après avoir déclaré, dans le libre exercice de ses facultés, que sa conscience ne lui permet pas de consentir à l’acte qu’on lui propose, et que, pour conserver son opinion dans une question de discipline ecclésiastique où le dogme et les vérités fondamentales ne sont point engagés, il n’en croit pas moins mourir dans la communion de l’église.

Nous ne sommes pas des casuistes, et il ne nous appartient pas de décider si un catholique que son confesseur juge digne de l’absolution peut être déclaré