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d’apprécier en lui un caractère de son temps, le grand mouvement intellectuel qui a marqué chez nos voisins le commencement de ce siècle ; ils méritent surtout d’être étudiés, parce qu’ils sont non-seulement un document pour servir à l’histoire littéraire de l’Angleterre, mais encore une page de l’histoire européenne, car, il n’y a pas à en douter, le mouvement intellectuel de l’Angleterre a conquis l’Europe. L’Allemagne avait pu la première se mettre en révolte ouverte contre le XVIIIe siècle. En cela, comme en tout, elle n’avait su renverser un système que pour le remplacer par un autre ; et, comme les systèmes ne fondent rien, l’Allemagne a bien vite été rejetée en sous-ordre. En fin de compte, c’est en Angleterre que se sont lentement et naturellement élaborées les choses qui, devaient rester. Comme au XVIIe siècle la France avait servi de prototype aux nations, c’est sa voisine qui, de notre temps, a fourni les formes poétiques, littéraires et politiques où tendent à se couler nos pensées, nos sentimens et nos sociétés. Voyons donc ce que pourra nous apprendre sur toutes ces choses la vie littéraire de l’homme qui n’a guère été qu’une image fidèle de son temps.

Thomas Campbell naquit à Glasgow le 27 juillet 1777. Par ses ancêtres paternels, il descendait des anciens chefs du clan des Campbells, et son grand-père possédait même encore le domaine de Kirnan sur la frontière du comté d’Argyle ; mais depuis lors la famille avait déchu, et le père du poète, après avoir d’abord acquis une riche aisance dans le commerce, avait été réduit par des revers à une position assez gênée. Dans l’enfance du futur écrivain, je ne vois à relever que la liaison de son père avec le docteur Reid, le philosophe. Par la suite, nous verrons Thomas Campbell entrer en rapports d’amitié avec Thomas Brown et surtout avec Dugald Steward, et peut-être y a-t-il plus d’une analogie entre la poésie du poète et l’espèce d’éclectisme de l’école écossaise. Fils d’une nombreuse famille et chéri comme un dernier enfant, Thomas Campbell resta jusqu’à huit ans sous la surveillance de sa mère, qui aimait à lui chanter les ballades de l’Écosse. Après avoir commencé ses études avec grand succès dans le grammar school de M. Allison, il entra dès l’âge de treize ans à l’université de Glasgow ; il devait y rester cinq années ou du moins pendant cinq sessions, car dans les universités écossaises la période scolaire ne va que d’octobre à mai. Durant tout le cours de ses études, le jeune homme se fît remarquer entre tous, surtout dans les classes de langue. Sa facilité était grande, et le goût de la poésie s’était annoncé chez lui de fort bonne heure. À dix ans, il composait déjà des vers, entre autres des vers destinés à faire partie d’un Poème sur les saisons ; on peut juger par là de quel côté soufflait le vent : Campbell commençait par être un disciple et un admirateur de Thompson.

Avant de quitter l’école préparatoire de M. Allison, il s’était pris pour les classiques grecs d’un enthousiasme qui ne l’abandonna plus.