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Que manque-t-il à l’histoire de la philosophie moderne, si ce n’est une œuvre d’ensemble qui vienne résumer les travaux innombrables dont elle a été l’objet ? En attendant, elle se complète. M. Bartholmess[1], à qui la philosophie de la renaissance doit déjà un livre distingué sur Giordano Bruno, vient de consacrer une monographie à Telesio, l’un des précurseurs de Bacon. Les platoniciens Ramus et Cudworth[2], les sceptiques érudits Huet et Lamothe Le Vayer[3] ont trouvé aussi leurs historiens. M. Damiron a ajouté à ses travaux bien connus sur la philosophie du XVIIe siècle une étude sur Bayle, où il est piquant de surprendre le moderne Carnéade faisant de la philosophie dogmatique à son corps défendant. Newton, qui n’est pas seulement un physicien incomparable, qui a aimé et cultivé la métaphysique, a été apprécié par M. Mallet comme contradicteur ingénieux de Locke et de Leibnitz. Le grand ouvrage de M. Wilm sur la philosophie allemande[4] est aujourd’hui complet, ce qui n’empêchera pas de lire avec intérêt deux œuvres capitales de Kant, la Critique de la Raison pratique et la Critique du Jugement, qui ont trouvé dans M. Jules Barni un habile traducteur et un interprète élevé[5]. Enfin un philosophe de Lausanne, M. Charles Secretan, dans un livre plein d’aperçus brillans et hardis, nous a initiés aux dernières spéculations de M. de Schelling[6].

Une seule partie de la philosophie des âges chrétiens laissait encore de nombreuses lacunes : je veux parler de la scolastique. Dès 1829, M. Cousin en avait dessiné les lignes générales. Plus tard, il entreprit d’en éclaircir les origines dans son introduction aux œuvres inédites d’Abélard. M. de Rémusat, s’attachant plus spécialement à ce grand personnage, ne laissa rien dans son orageuse destinée, dans ses luttes dialectiques, dans ses tentatives de philosophe ; dans ses témérités de théologien, qui ne fût raconté, interprété, apprécié avec une sagacité supérieure. Que faire encore pour la gloire d’Abélard ? Une seule chose, mais bien nécessaire, c’est une édition complète de ses œuvres ; M. Cousin vient de la donner.

  1. De Bernardino Telesio scribebat Chr. Bartholmess, 1849, chez Ducloux, rue Saint-Benoit, 7.
  2. De Petri Rami vita, scriptis, philosophia, scripsit C. Waddington-Kastus. 1848, chez Joubert, rue des Grès. — De Cudworthii doctrina, par Paul Jarret ; chez Joubert.
  3. Huet, ou le Scepticisme théologique, par Chr. Bartholmess ; 1850. — Essai sur La Mothe Le Vayer, par Étienne, 1849.
  4. Le tome IV sur Hegel a paru en 1849 chez Ladrange.
  5. Examen de la critique du Jugement, par Jules Barni, 1850, chez Ladrange.>
  6. La Philosophie de la Liberté, par Charles Secretan, 2 vol. in-8o, chez Hachette, rue Pierre-Sarrazin, 12.