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Son père s’est marié trois fois, et nous savons d’une façon certaine qu’aucune de ses trois femmes n’est la mère de Léonard. Nous savons d’ailleurs qu’après la mort de ser Piero il a soutenu un procès contre ses frères consanguins, et les notions les plus élémentaires du droit civil nous démontrent que, s’il n’eût pas été légitimé, le procès fût tombé de lui-même, et n’eût pas trouvé un tribunal disposé à l’accueillir. Or, comme les pièces recueillies par.Oltrocchi, autre bibliothécaire de l’Ambrosienne, constatent d’une façon irrécusable que Léonard a gagné son procès, il est évident que ses droits, pour être admis par les tribunaux de Florence, ont dû se fonder sur un acte de légitimation. Quelle était la mère de Léonard ? Oltrocchi, malgré la persévérance de ses investigations ; n’a pu réussir à découvrir son nom. Il nous dit seulement que c’était une femme libre, et, comme en 1452 le servage n’existait pas en Toscane, il faut donner à cette expression la valeur que l’histoire lui attribue. Une femme libre, vers la moitié du XVe siècle, était une femme maîtresse d’elle-même, c’est-à-dire libre des liens du mariage. Nous ne savons pas si ser Piero, en 1452, était dans la même condition ; mais nous savons au moins que Léonard n’est pas le fruit d’un double adultère. Toutes ces questions, dont je ne veux pas exagérer la valeur, sont résolues dans les notes manuscrites d’Oltrocchi et dans les mémoires biographiques d’Amoretti de façon à défier tous les doutes. Aussi ne prendrai-je pas la peine de les discuter. Il me suffira d’affirmer que Léonard, né en dehors du mariage, reçut de son père, dans le domicile conjugal, tous les soins qu’une naissance légitime aurait pu lui assurer. — Enseignement littéraire, enseignement scientifique, rien de ce que la richesse pouvait lui donner n’a manqué au développement de son intelligence. D’après le témoignage de Vasari, qui certes n’était pas favorable à Léonard, puisqu’il voyait en lui le rival le plus formidable de Michel-Ange, Léonard, dès ses premières années, montra les dispositions les plus extraordinaires pour les études les plus variées. Mathématiques, dessin, poésie, musique, Léonard embrasait tout avec la même ardeur. Et malheureusement nous devons ajouter que, dans toutes les études, il ne montrait pas moins d’inconstance que d’ardeur, si bien qu’après avoir étonné ses maîtres par la nouveauté, par le caractère inattendu de ses questions, il les désespérait par l’énergie non moins imprévue avec laquelle il poursuivait une nouvelle branche de connaissance. Cependant, au milieu de l’empressement fiévreux avec lequel Léonard frappait à toutes les portes de la science, il n’était pas difficile de démêler sa prédilection pour le dessin. Aussi Ser Piero, après avoir étudié attentivement les instincts de son fils, résolut de le confier aux soins du Verocchio. Ce maître, qui doit à Léonard la meilleure partie de sa célébrité, a cependant laissé quelques œuvres importantes qui suffiraient à la durée de son nom. Tous ceux qui