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que ces abus aient disparu, il vient d’être arrêté que le mode de perception serait changé, en attendant sans doute que le caractère de l’impôt soit lui -même modifié. Désormais les patriarches, chefs des diverses communions chrétiennes, ainsi que le khakam-bachi ou chef des Juifs, seront pour la capitation les intermédiaires entre leurs coreligionnaires et le fisc. Il est difficile de croire que ce nouveau mode de perception soit plus profitable au trésor que l’ancien, à moins que, par un système d’abonnement, l’état ne se fasse garantir une somme fixe. L’impôt paraîtra moins onéreux aux populations : c’est peut-être le seul avantage que l’on puisse attendre de cette innovation.

Nous touchons à un sujet d’un intérêt non moins grand, et qui nous éloigne moins des idées économiques de l’Occident : les douanes. Le système douanier de la Turquie a pour base les traités conclus avec les puissances européennes. En 1838, la Porte négocia simultanément avec la France et l’Angleterre un traité de commerce que l’Angleterre d’abord, et la France peu de temps après, signèrent avec le sultan. D’après ce traité, les marchandises importées en Turquie paient un droit d’entrée de 5 pour 100 qui se décompose ainsi : 3 pour 100 pour le droit d’entrée proprement dit, 2 pour 100 de droit supplémentaire au sortir de la douane en remplacement des anciens droits de circulation à l’intérieur. Les marchandises provenant du sol et de l’industrie de l’empire ottoman sont frappées à l’exportation d’un droit de 12 pour 100, dont 9 pour 100 à l’arrivée des marchandises à l’échelle où elles doivent être embarquées, et 3 pour 100 lors de l’embarquement. Ce droit de 12 pour 100 remplace les droits multiples et sans cesse variables auxquels les marchandises étaient soumises quand le monopole n’interdisait pas absolument l’achat et l’exportation. Frapper de 12 pour 100 l’exportation des produits indigènes, quand l’importation des marchandises étrangères n’est assujettie qu’à un droit de 5 pour 100, a paru à quelques esprits une absurdité ruineuse : cet arrangement semble, en effet, contraire aux principes qui règlent d’habitude les rapports des nations industrielles et commerçantes ; mais, indépendamment des intérêts politiques qui faisaient à la Turquie un devoir de signer ce traité, deux considérations fondamentales peuvent lui servir de justification à ses propres yeux. Elle n’était, elle n’est et ne peut être une puissance industrielle. Puissance agricole, elle n’impose pas la terre ; elle peut donc et doit en imposer les produits. De ce point de vue, c’est l’organisation des douanes qui prête le moins à la critique, et qui par suite est le moins susceptible en elle-même d’améliorations profitables au trésor.

Le gouvernement turc peut toutefois en tirer des revenus très supérieurs à ceux qu’il perçoit aujourd’hui. De quelle manière ? Ce n’est point en cherchant à modifier les conventions commerciales avec les puissances étrangères, c’est en favorisant à la fois la production et la circulation dans le sein de l’empire. Qui doute que, sur ce territoire à la fois si vaste et si fertile, l’agriculture ne pût faire des merveilles avec des voies de communication praticables aux voitures entre toutes grandes villes et dans le voisinage de la mer ? D’autre part, ces mêmes avantages d’un transport plus rapide et moins coûteux ayant pour effet de mettre plus à la portée des populations les objets de commerce Manufacturés à l’étranger, l’importation comme l’exportation recevrait des encouragemens et des développemens nouveaux. Voilà quel serait l’unique moyen