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d’augmenter les revenus de la douane, et une réforme de ce genre donnerait sans nul doute la plus heureuse impulsion à la fortune des particuliers comme à celle de l’état.

Il nous reste toutefois à tenir compte de difficultés qui sont une entrave déplorable au développement du commerce et au progrès des finances publiques : nous voulons parler du numéraire et de l’énorme différence qui existe entre la valeur intrinsèque de la plus grande partie de la monnaie turque et sa valeur nominale. La nécessité d’arrêter la dépréciation de la piastre a provoqué l’organisation d’un ensemble d’opérations appelé à Constantinople le système du maintien des changes. Il est inutile d’ajouter que l’efficacité de ces mesures importe autant au commerce européen qu’à la Turquie. Il n’y a plus de commerce possible là où un marché à terme, stipulé en piastres, pourrait, par une dépréciation subite non sans exemple, présenter pour le vendeur une perte de 50 pour 100. Admettons que le commerce soit un Protée assez habile pour trouver d’autres moyens d’échange ; il est manifeste que la transition ne s’accomplirait pas sans de grandes catastrophes financières.Quant au gouvernement turc, dans la position où la nature de ses richesses et les traités le placent, il ne pourrait payer les produits de l’Europe avec le numéraire européen qu’en perdant d’un seul coup toute la différence qu’il y a entre la valeur réelle et la valeur nominale de la piastre turque.

Depuis plus d’un siècle, les souverains ottomans, en vue de faire face aux dépenses extraordinaires, avaient adopté l’usage ruineux et immoral de l’altération du titre des monnaies, léguant à leur successeur actuel le châtiment immérité de l’imprévoyant abus de leur toute-puissance. La piastre turque, dans l’origine, correspondait, pour la valeur, au talaris de la reine (5 fr. 20 c.). Depuis sa dernière altération, à l’époque de la guerre contre la Russie en 1828, elle est devenue, sous forme de bechliks ou pièce de 5 piastres, une monnaie d’un titre si réduit, que dans le cas où sa valeur courante serait réglée sur sa valeur réelle, 8 piastres ne feraient pas un franc. Les deux termes extrêmes sont donc la piastre d’avant l’année 1710, valant plus de 5 francs, et la piastre de 1828, qui ne correspond pas à 12 centimes. On évalue à 400 millions de piastres la masse de ces dernières monnaies dans la circulation. Ces pièces avec les billets (kaymés) constituent presque à elles seules le numéraire d’origine turque dans l’empire ottoman. Les autres monnaies courantes en Turquie sont, avec la pièce de 6 piastre (altilik), d’un titre altéré, qui toutefois contient encore 462 millièmes d’argent pur, les pièces d’or anciennes de 20 piastres, les pièces d’or nouvelles de 100 piastres et de 50 piastres, les pièces d’argent nouvelles de 20 piastres, 10 piastres, 5 piastres. 2 piastres, 1 piastre, qui contiennent en or ou en argent une proportion égale à la quantité admise dans la fabrication des monnaies par les gouvernemens européens.

On évalue à environ 200 millions de piastres le chiffre de ces monnaies de bon aloi frappées depuis 1844 ; par malheur, elles se sont peu à peu retirées presque complètement de la circulation, par suite des spéculations auxquelles elles ont donné lieu. À ce numéraire de coin ou d’origine ottomane, il faut ajouter les monnaies étrangères, dont le nombre varie suivant l’élévation ou l’abaissement du prix qu’on leur attribue. Voici le tarif établi en 1844 par le gouvernement turc pour les principales monnaies étrangères sur le marché de Constantinople :