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dant cette période, et ordinairement au mois d’avril, que l’empereur célèbre la fête nommée Ta-lao, fait des offrandes de cocons dans la salle des ancêtres et ordonne le commencement du dévidage. L’impératrice elle-même dévide le premier fil, noble exemple qu’elle donne aux dames de sa cour et à toutes les femmes, de même qu’à la fin de l’hiver, elle plante un pied de mûrier de ses propres mains, et que l’empereur, conduisant la charrue, ouvre solennellement le premier sillon.

Les Chinois font remonter chez eux l’usage de la soie au temps de Fo-hi, leur premier souverain ; mais Fo-hi, né de l’union d’une vierge avec l’arc-en-ciel, paraît être un mythe plutôt qu’une réalité historique. Les sectateurs du culte des génies rapportent cette origine à une époque non moins reculée. Les mythes qui s’y rattachent donnent à cette industrie une consécration religieuse qui solennise et protége ses progrès. D’après ces traditions, ce fut l’épouse de l’empereur Hoang-ti qui introduisit la culture de la soie parmi les tribus agricoles de la Chine. La postérité reconnaissante plaça l’impératrice Si-ling-chi au rang des divinités du Céleste-Empire, sous le nom d’Esprit des mûriers et des vers à soie ; elle l’honora comme le génie tutélaire de cette industrie et lui assigna une place au ciel dans une constellation connue sous le nom de Tchân-fang (la maison des vers à soie), et représentée par quatre étoiles que les Chinois appellent Tienssé. Selon les traditions japonaises, la petite-fille de l’Esprit du feu, la créatrice de tout ce qui sert à la nourriture, engendra les vers à soie de ses sourcils, et le fils de l’Esprit du feu enseigna aux hommes l’art de les élever. On célèbre la fête de ces génies tutélaires de l’industrie de la soie l’un des premiers jours du cycle sexagénaire. Après la purification de la maison, on place la table vers le nord-est et on l’orne de branches de mûrier. On fait alors des offrandes de gâteaux, de cocons sur des feuilles de mûrier, et enfin des libations. Les peuples du Japon célèbrent cette fête le septième jour du septième mois de l’année. Les femmes et les jeunes filles se rassemblent à la lueur des étoiles ; elles étendent des fils de soie de diverses couleurs, font des offrandes de gourdes, de calebasses ou autres fruits pareils, et prient pour obtenir du ciel la dextérité nécessaire au tissage. Si, pendant la nuit, une araignée descend sur leurs offrandes, cet événement présage que leurs vœux seront exaucés.

L’ouvrage publié par M. Bonafous a, on le voit, un double intérêt scientifique et poétique. Le Yo-san-fi-rok est imprimé avec luxe et orné de cinquante planches gravées d’après les dessins originaux. C’est un nouvel exemple du zèle désintéressé qui distingue l’éditeur du Yo-san-fi-rok, et dont il a déjà fait preuve dans plusieurs publications analogues, non moins dignes de l’intérêt des savans que du suffrage des gens de goût.

P.-A. C.


V. DE MARS.