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immortelle réponse que vous savez, et continue, dit l’Évangile, à écrire sur le sable.

Croyez-vous qu’il n’y ait pas,un sexes caché dans cette rêverie divine qui ne s’interrompt même pas ? Le christianisme, j’en suis convaincu, a de mystérieuses indulgences pour tout ce qui vient de la source où il puise le charme de ses plus douces et de ses plus conquérantes paroles. Quand je vois Madeleine prosternée aux genoux du Christ et essuyant de sa chevelure les pieds du divin maître, il me semble que je saisis un symbole. Celui qui a été ici-bas l’image adorable de l’amour céleste a permis qu’il y eût à ses pieds une place pour l’amour né de l’humanité. Seulement il a voulu ce terrestre amour non point comme l’adorait l’antiquité, radieux, triomphant, ivre de lui-même ; il l’a voulu humilié, repentant, versant des larmes. Docteur, je vais vous dire ma pensée si elle n’est pas celle d’un théologien, elle est celle d’un homme qui lit et qui aime les livres saints. Je crois qu’il y a un genre de faiblesse qui ne trouve pas grace devant Dieu : c’est précisément le vice tel que le glorifient les philosophes, qui se dit maître des hommes de par la chair, et justifie par une fausse maxime tout acte dépravé ; mais la faute humble et douloureuse qui s’accuse au lieu de se justifier, qui se présente à Dieu comme la pauvre créature qu’amenaient devant lui les pharisiens, escortée de la confusion et du repentir, celle-là, j’en suis sûr, est souvent absoute, et quand elle est d’une certaine nature, peut-être emporte-t-elle en se retirant plus que la miséricorde du divin juge.

— Mon cher Plenho, repartit le docteur, vous auriez pu être confesseur de Louis XIV, car je trouve à vos homélies quelque chose qui sent terriblement les maximes des jésuites.

— Je respecte infiniment, fit Plenho, la société de Jésus ; mais tenez, docteur, pour en finir avec ce qui me regarde, puisque vous m’accusez de vous parler en jésuite, je vais vous parlez en zouave. Je réfléchis un peu ; mais comme, après tout, une balle peut me casser la tête d’un moment à l’autre, je trouve qu’il est inutile de me trop fatiguer le cerveau. La plupart de mes soldats entendent très volontiers un bout de messe et même la messe tout entière ; cela ne les empêche pas de se donner un coup de sabre et d’avoir sur les bras des cœurs enflammés. Je puis fort bien avoir quelques traits de ressemblance avec eux. Vous me trouverez inconséquent ; vous autres démocrates, vous ne devriez jamais parler d’inconséquence. Pratiquez l’égalité, la fraternité, la tolérance, seulement comme nous pratiquons la religion. Je crois, du reste, qu’il peut être pardonné aux gens de guerre plus de choses qu’aux gens de plume ou de parole, à tous ceux enfin qui veulent bien être l’intelligence de la patrie, mais ne veulent pas en être la peau. J’ai fait une fois six lieues en cacollet avec une balle