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de l’obscurité pour le besoin de la thèse, on nous déclare qu’il faut appartenir à une famille fort riche pour embrasser la profession d’avocat, à plus forte raison pour aspirer à la magistrature. Demandez d’où sont partis lord Eldon, lord Stowell, lord Lyndhurst, lord Brougham, que de grands succès au barreau ont conduits tour à tour depuis trente ans aux fonctions de chancelier ! Le socialiste qui daignerait parcourir la Vie des chanceliers d’Angleterre, par lord Campbell, serait étonné de voir combien de chanceliers sont sortis des rangs infimes de la société et ont présidé la chambre des lords ou pris place dans l’aristocratie après avoir disputé à la misère le pain de leur jeunesse. On nous assure encore, sur la même autorité, que pour une gratification annuelle de cinq mille francs et le titre de serjeant at law on impose aux avocats l’obligation de ne plaider ni contre le souverain ni contre l’intérêt des ministres : c’est là une erreur assez plaisante. Après un certain nombre d’années d’exercice, un avocat distingué et gradé obtient, par ordonnance royale, le titre de sergent de loi avec 200 livres de traitement, c’est-à-dire qu’il prend rang parmi les candidats entre lesquels le gouvernement, en cas de vacance, est obligé de choisir les juges. Le sergent de loi doit donner son avis motivé sur les questions qui peuvent lui être soumises par le gouvernement, et, dans certains procès, un sergent de loi remplit un rôle analogue à celui du ministère public en France dans les causes civiles. Les sergens de loi n’en demeurent pas moins avocats plaidans ; mais est-il surprenant qu’on exige d’eux de ne pas plaider contre la couronne, qui leur donne un traitement, dont ils sont les conseillers officiels, sans une autorisation spéciale qui n’est jamais refusée ? Quant aux critiques dirigées contre la législation anglaise, elles ne sont pas neuves, elles ne sont pas toujours équitables. Lorsque les tribunaux français, après une révolution qui a fait table rase du passé, sont quelquefois encore obligés de chercher dans les vieilles coutumes les motifs déterminans de leurs arrêts, faut-il tant s’étonner de la multitude des usages et des traditions dont les tribunaux britanniques sont contraints de tenir compte ? Mais on ne pouvait attendre de M. Ledru-Rollin qu’il rendît justice aux efforts considérables qui ont été faits depuis vingt-cinq ans pour simplifier et pour codifier les lois de la Grande-Bretagne. Si d’ailleurs la loi anglaise était réellement un inextricable dédale, un labyrinthe où doit s’égarer et se perdre la liberté, les États-Unis n’auraient pas conservé soigneusement, ne suivraient point aujourd’hui encore sans altération la loi commune, et les décisions des chanceliers d’Angleterre ne seraient point annuellement recueillies et publiées pour servir de jurisprudence aux tribunaux.américains.

Il n’est pas nécessaire de justifier contre les attaques de M. Ledru-Rollin, la mémoire d’O’Connell. C’est d’ailleurs une querelle de tribun