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modes se multipliaient à l’infini, et un journal, le Mercure galant, publiait régulièrement des spécimens d’ajustemens nouveaux et de tous les objets de parure. Enfin des recueils, destinés à perpétuer le souvenir des principaux événemens du règne et des actions du roi, étaient édités par ordre et aux frais de sa majesté. Un des ouvrages les plus curieux en ce genre est celui qui offre, dans une suite de planches, tous les détails du carrousel donné, au temps de la jeunesse de Louis XIV, sur la grande place des Tuileries, ouvrage dont la bibliothèque de Versailles possède un exemplaire magnifiquement colorié. On y voit d’abord l’ensemble de la fête, la disposition des quadrilles, les places réservées à la reine, aux princesses et aux juges du camp. Les planches qui suivent représentent isolément les chefs de chaque groupe avec leur devise, et la description minutieuse des habits, le nombre scrupuleusement calculé des pierreries, complètent l’exactitude des portraits. Cinq nations figuraient dans ce carrousel. Le roi commandait les Romains, c’est tout dire : se vêtir dans le goût de l’antique, c’était, à cette époque, avoir le droit de se couvrir la tête d’un échafaudage de plumes, le corps d’un costume en brocart d’or et d’argent, avec force diamans enchâssés dans les broderies, et Louis XIV n’avait eu garde de manquer à cette vérité historique. Monsieur marchait à la tête des Persans, assez difficilement reconnaissables malgré la multitude d’aigrettes et de pendeloques dont ils étaient ornés. Un grand luxe de croissans brodés sur toutes les parties de leur ajustement caractérisait les Turcs, dont le prince de Condé était le chef. Les Indiens, commandés par le duc d’Enghien, portaient sur la tête et sur les épaules trois perroquets empaillés, les ailes ouvertes. Enfin les sauvages de l’Amérique, conduits par le duc de Guise, étaient coiffés d’un bonnet de coquilles et de corail, et vêtus d’un justaucorps en écailles de poisson. — Les estampes qui composent l’ouvrage sur le carrousel sont dues à un graveur nommé Bailly, dont le fils fut bisaïeul de Sylvain Bailly, cette victime illustre de la révolution française ; elles dénotent chez l’artiste un sentiment assez fin du dessin et une grande facilité d’exécution. C’est ce que l’on peut dire aussi de la plupart des pièces publiées alors soit en volumes, soit en feuilles détachées, par les nombreux graveurs qui traitaient exclusivement des sujets de genre. Il n’est pas jusqu’aux estampes qui se vendaient à bas prix au commencement de l’année, où l’on ne retrouve souvent un mérite analogue. Beaucoup d’almanachs de cette époque se recommandent par la précision avec laquelle sont gravés les ornemens ou les figures qui entourent le calendrier, et il arrive même qu’au bas de plusieurs de ces gravures on lise les noms d’artistes célèbres, tels que Lepautre et Poilly. Les almanachs étaient, au temps de Louis XIII, imprimés sur une seule feuille de papier qu’encadraient parfois quelques sujets allégoriques, mais le plus ordinairement de simples attributs disposés suivant l’ordre