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en partie aux graveurs qui vinrent de Londres se former à Paris sous le règne de Louis XV. Il faut donc, avant de parler des élèves, dire ce qu’avaient fait les maîtres, et ce qu’était devenue la gravure en France après la mort des grands artistes du siècle de Louis XIV.


IV. – GRAVEURS SOUS LOUIS XV. – PIERRE DREVET : PORTRAIT DE Bossuet d’après RIGAUD. — FICQUET : PORTRAIT DE madame de Maintenon. — PHILIPPE LEBAS : la Fête flamande d’après TENIERS. – GRAVEURS AMATEURS.

Morin, Nanteuil, Masson, François Poilly, tous les autres graveurs portraitistes de l’époque avaient, malgré la diversité de leurs talens, laissé à leurs successeurs directs des exemples à peu près identiques, et une même tradition. Cependant les ouvrages du peintre Rigaud, dont la réputation s’était considérablement accrue vers la fin du règne de Louis XIV, nécessitaient, de la part des artistes chargés de les graver, quelque infidélité à cette tradition sévère. On n’avait plus à reproduire des figures à mi-corps et se détachant presque toujours sur un fond peu accidenté ; il s’agissait au contraire, pour le graveur, de rendre sans confusion une multitude d’accessoires qui, à force d’orner la composition, la chargeaient parfois outre mesure et l’encombraient problème difficile que résolurent avec succès Pierre Drevet et son fils, le célèbre auteur du Bossuet. Le premier, élève à Lyon de Germain Audran et à Paris d’Antoine Masson, ne grava que des portraits, dont les plus connus ceux de Louis XIV en pied, de Boileau, du cardinal de Fleury, du comte de Toulouse, attestent un goût judicieux et un vrai mérite d’interprétation. Le second, que la similitude des prénoms a souvent fait confondre avec son père, se montra, dès ses débuts, plus intelligent encore. Il n’avait que vingt-six ans lorsque parut ce portrait de Bossuet où la précision et le brillant du burin semblent dénoter un talent parvenu à sa maturité. Peut-être dans cette planche et dans quelques autres du même graveur (le cardinal Dubois, Samuel Bernard, mademoiselle Lecouvreur, etc.), certaines parties sont-elles traitées avec une habileté digne de Nanteuil lui-même. Le moelleux de l’hermine, la délicatesse des dentelles, le poli et l’éclat des dorures ne sauraient être plus exactement imités ; mais on ne sent pas dans les têtes cette finesse de physionomie, dans les chairs cette souplesse de la vie que respirent les portraits des maîtres antérieurs ; le style a déjà moins de simplicité et de force, la pratique moins de réserve. De telles œuvres résultent d’un art encore supérieur, elles ne sont plus le produit d’un art suprême. Il en est de même de la plupart des estampes publiées en France dans les dix dernières années du règne de Louis XIV et sous la régence. L’ancienne manière y est toujours sensible, mais elle commence à s’altérer, et se voile de plus en plus