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France à délivrer des billets de 100 francs, qu’elle distribue encore aujourd’hui d’une main avare. Des coupures inférieures ne conviendraient qu’à une société pauvre, ou dans laquelle la mauvaise gestion des finances aurait porté le désordre ; en tout cas, elles tendent à expulser de la circulation les métaux précieux. Sans remonter aux assignats et pour chercher nos exemples hors de la France, on peut rappeler que le papier, est à peu près l’unique agent de la circulation en Russie, et, qu’il s’y trouve réduit au cinquième de sa valeur primitive. Quant à l’Autriche, la monnaie de chiffons (rag-money), comme on l’appelle en Angleterre, a tellement raréfié le numéraire métallique, qu’il a fallu faire descendre les émissions aux plus minimes appoints et jusqu’à remplacer la monnaie de billon. Les billets d’un florin n’ont pas suffi : on a commencé par les couper en quatre et par se servir des parcelles ; en ce moment, on a des billets de 3 kreutzer. Le contrecoup de cette diffusion de la monnaie fiduciaire a été une baisse de 50 pour 100 dans la valeur.

En présence de ces fautes aussitôt punies que commises, le gouvernement propose d’émettre, dans les colonies, des billets de 20 et même de 5 francs. Que pourrait-il faire de mieux, s’il voulait en bannir la monnaie métallique ? La plus faible de ces coupures ne figurait pas dans le projet primitif du gouvernement. C’est le conseil d’état, suivant une déclaration qui a trouvé place dans l’exposé des motifs, qui a cru devoir consacrer à la demande des intéressés, une pareille déviation des principes. Quelles sont cependant les circonstances locales et exceptionnelles dont on se prévaut pour justifier la conclusion du conseil d’état ? « Le travail, dit l’exposé des motifs, de gratuit qu’il était, est devenu salarié. Cette transformation nécessite à chaque mois, à chaque semaine, des paiemens fractionnaires que le grand nombre des bras attachés aux exploitations coloniales rend très multipliés. D’un autre côté, une des conséquences du régime économique des colonies, c’est d’y maintenir une rareté presque constante de numéraire les colons demandent donc avec instance que les institutions de crédit qu’il s’agit de leur accorder mettent à leur disposition un instrument de circulation de valeur assez réduite pour leur permettre de faire face à leur besoin le plus considérable. Un fait pratique d’une grande portée paraît justifier leur insistance sur ce point. Au plus fort de la crise qu’ont fait naître aux colonies les événemens de février, des caisses de prêts sur dépôt de denrées ont été créées aux Antilles. Celle de la Guadeloupe a surtout reçu un développement assez considérable, et a rendu de véritables services au commerce local. Or, pendant que les plus fortes coupures du papier émis par la caisse, quoique peu nombreuses, se maintenaient avec peine dans la circulation, les plus faibles, qui