Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

insectes, et contre lesquelles la prévoyance des propriétaires a des ressources, des ouragans, comme on n’en connaît pas sur le continent de l’Europe, rasent les récoltes, détruisent les usines, et laissent trop souvent les colons à peu près ruinés. Pour des cas semblables, il vaudrait mieux avoir prêté par hypothèque sur la propriété du sol, qui a toujours une valeur quelconque, que d’avoir pris en nantissement une valeur incertaine dans tous les cas, et qui, lorsqu’elle est frappée, périt quelquefois tout entière.

Il est de l’essence du prêt sur nantissement d’effacer plus ou moins ce que j’appellerai la personnalité du crédit. Qu’on ne parle donc point ici de la facilité avec laquelle, dans l’enceinte de sa juridiction, chaque établissement discernerait les planteurs solvables de ceux qui ne mériteraient pas la même confiance. Du moment où les banques prêteraient sur récoltes, elles considéreraient non la personne, mais le gage. Tout planteur, pour peu qu’il eût une récolte sur pied à engager ou à vendre, présenterait des titres égaux ; la banque n’aurait pas de motif pour refuser aux uns ce qu’elle aurait accordé aux autres. Cesserait, quoique sous une forme indirecte, établir bien réellement le droit au crédit.

D’où viennent cependant les défauts, disons mieux, les énormités du projet ? Ce n’est pas assurément de gaieté de cœur que deux ministres, dont l’un est versé dans la science financière et dont l’autre connaît les colonies, ont dressé un plan que ne peut avouer ni la théorie ni l’expérience. Il y a là, on ne peut le nier, un excès de zèle et une illusion d’optique. On a voulu tout faire à la fois et concentrer dans un seul établissement de crédit les attributions les plus différentes. On a cru que, dans un siècle où le succès de toutes les combinaisons financières tient à la division du travail, l’on pouvait impunément ériger les banques coloniales en une sorte de moteur à titre universel du commerce, de l’agriculture et de l’industrie.

Renversons le problème. Divisons entre plusieurs établissemens les attributions que le projet de loi accumule, et l’organisation du crédit dans les colonies va devenir possible. Il n’est pas nécessaire que les banques coloniales, qui opèrent sur un terrain neuf, acquièrent les proportions par lesquelles le crédit fiduciaire se signale dans les contrées plus anciennement civilisées. Sur les 750,000 francs de rentes réservées par la loi d’indemnité aux institutions de cette nature, 320,000 fr. de rentes sont attribués aux banques. Il reste 430,000 fr. de rentes, qui peuvent servir à doter des associations de crédit foncier.

Supposez une dotation de 125,000 francs de rentes pour chaque banque foncière dans les Antilles. Que les associés volontaires y ajoutent un apport de 50,000 francs de rentes, et ces forces combinées réprésenteront,